Les Châtiments par Tempuslegendae
Lorsque le lyrisme d’un texte se met au service de l’Histoire, on y trouve parfois plus d’explications que dans un long discourt oratoire…
Quatre ans après la Crise monarchique de Juillet, Victor Hugo composait un poème d’une rare beauté. La poésie qui s’en dégage s’inscrit dans un mouvement engagé qui perdura au-delà de son siècle. Il y défend une cause en parlant des abeilles. Magnifique comparaison, car le côté visionnaire est remarquable: on y parle de «buveuses de rosés», de «guerrières» ou encore de «généreuses». Même si nous reconnaissons en l’écrivain des qualités d’historien, de poète et de mage, on constatera qu’une telle pratique de la poésie ne peut être atteinte d’emblée. L’écriture des «Châtiments» est un nouveau point de départ dans l’œuvre d’Hugo. En effet, tout se passe comme s’il couvrait systématiquement les champs ouverts à la conquête poétique entreprise: le moi, dans «Les Contemplations»; l’histoire et l’avenir de l’humanité dans «La Légende des siècles». Evidemment, là, les choses sont moins simples.
Le titre qui suit parle beaucoup par sa description: le manteau symbolise l’habit du Roi, et les abeilles brodées dessus, l’Empire…
«Le manteau impérial
O! vous dont le travail est joie,
Vous n’avez pas d’autre proie
Que les parfums, souffles du ciel,
Vous qui fuyez quand vient décembre,
Vous qui dérobez aux fleurs l’ambre
Pour donner aux hommes le miel.
Chastes buveuses de rosée,
Oui, pareilles à l’épousée,
Visitez le lys du coteau,
O sœurs des corolles vermeilles,
Filles de la lumière, abeilles,
Envolez-vous de ce manteau!
Ruez-vous sur l’homme, guerrières!
O généreuses ouvrières,
Vous le devoir, vous la vertu,
Ailes d’or et flèches de flamme,
Tourbillonnez sur cet infâme!
Dites-lui: -«Pour qui nous prends-tu?
« Maudit! nous sommes les abeilles!
Des chalets ombragés de treilles
Notre ruche orne le fronton;
Nous volons, dans l’azur écloses,
Sur la bouche ouverte des roses
Et sur les lèvres de Platon.
«Ce qui sort de la fange y rentre.
Va trouver Tibère en son antre,
Et Charles neuf sur son balcon.
Va! sur ta pourpre il faut qu’on mette,
Non les abeilles de l’Hymette,
Mais l’essaim noir de Montfaucon!»
Et percez-les toutes ensembles,
Faites honte au peuple qui tremble,
Aveuglez l’immonde trompeur,
Acharnez-vous sur lui, farouches,
Et qu’il soit chassé parles mouches
Puisque les hommes en ont peur! »
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