Après L'Évangile du serpent qui nous faisait découvrir le mouvement néo-nomade du Christ de l'Aubrac, Vaï Ka'i ; après L'Ange de l'Abîme qui nous guidait à travers l'Europe dévastée par la guerre sur les traces de Stef et Pibe ; la trilogie des Prophéties s'achève avec Les Chemins de Damas.

Nous y retrouvons cette Europe martyrisée par la guerre avec le Moyen-Orient. Un armistice a été signé et les pays commotionnés par les quinze années de conflit armé tentent de se reconstruire. Ce n'est pas sans mal, car les Évangélistes, venus des États-Unis, tentent de prendre possession des esprits et du pouvoir, subrepticement, foyer par foyer, grapillant petit à petit des miettes de puissance de plus en plus grandes en plaçant leurs pions aux postes clefs.

Comme il l'a fait dans L'Ange de l'Abîme, Pierre Bordage imagine deux personnages dont l'aventure va servir de fil directeur au roman. Ces deux personnages sont Jemma Hourtin et Luc Flamand.
Le première est cadre dans une grande entreprise et vit dans l'aisance. Mais sa fille disparaît brusquement, une nuit. Elle sombre alors dans une mélancolie, un renoncement qui manque de la perdre. Elle en est sortie par l'apparition du second personnage, journaliste, qui enquête sur les disparitions d'enfants, de plus en plus fréquentes, et auxquelles la police ne s'intéresse même plus. Qui enlève ainsi les enfants ? Des trafiquants d'organes ? Des esclavagistes sexuels ? Flamand a l'ambition de se rendre à Damas, d'où provient la rumeur de l'existence d'une armée d'enfants, en espérant y trouver le fin mot de l'histoire. Il emmène avec lui, plus ou moins malgré elle, Jemma Hourtin...
Entre chaque étape de cette aventure à travers l'Europe, l'auteur intercale des témoignages de ce XXIème siècle d'après-guerre. On fait connaissance, à chaque fois sur quelques pages, avec des habitants moyens de cette France à genoux, qui voient leurs vies basculer, comme beaucoup d'autres, emportées par la vague de pauvreté, de violence, d'extrémismes religieux qui fait suite à la guerre. Autant que l'aventure de Jemma et Luc, ces chapitres, qui à chaque fois se font écho, dépeignent une Europe presque palpable, à laquelle on a peut-être échappé de peu car la folie des dirigeants occidentaux n'a pas atteint son paroxysme après les attentats du 11/09 : la guerre n'a pas été lancée contre le Moyen-Orient.

Suite de L'Ange de l'Abîme, Les Chemins de Damas s'attaque également aux religions. Enfin... Bordage ne critique pas du tout l'idée de croire en une puissance divine - on a même des preuves implicites qu'il y a des puissances en dehors de notre compréhension qui sont là pour nous protéger, nous guider - , mais aux dogmes, aux hommes que l'on dit de foi, mais qui travaillent à leur grandeur et non à celle de leur dieu.
Bordage s'indigne également du comportement des populations soumises à une peur constante. Les rues de Paris et des autres villes d'Europe sont devenues des jungles où règne la loi du plus fort. Les problèmes rencontrés par les personnages du roman sont souvent dus à un comportement bestial, digne d'hommes des cavernes, des gens qu'ils croisent. Mais Bordage ne serait pas Bordage s'il ne contrebalançait pas la noirceur d'âmes de ses « méchants » par l'éclatante humanité des personnages qui viennent en aide aux héros, qui interviennent gratuitement, comme si leurs choix étaient guidés par une force cosmique - Dieu, Mère Nature, on ne sait pas - ou même tout simplement une grande bonté.

Les Chemins de Damas est-il un roman optimiste ? Je ne le crois pas. Si l'aventure de Jemma et Luc se termine bien (Bordage sera toujours Bordage), ce n'est que grâce à cette force supérieure évoquée ci-dessus, qui tente de préserver ce que la Terre a de mieux pour le futur. Cela n'existe pas dans notre monde. Par contre, une Europe dévastée par une guerre mondiale, des États-Unis qui essayent de mettre la main sur l'économie mondiale, des forces politiques qui s'entre-déchirent au lieu de servir les populations qui dépendent d'elles, tout cela existe ou peut exister.
Une lueur d'espoir : écouter Pierre Bordage qui nous dit fraterniser, de ne pas tomber dans nos bas instincts aux moindres difficultés, d'aider ceux que l'on croise et qui ont besoin d'aide... Plus facile à dire qu'à faire, mais au moins, c'est dit !
Hard_Cover
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le 19 déc. 2010

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