Roman de la première guerre mondiale par excellence, Les Croix de bois est un témoignage aux multiples facettes qui aborde le conflit dans ce qu'il a de pire mais aussi ce qu'il a de bon. Des détails sordides aux moments les plus futiles, le lecteur s'immerge dans ce qui fait le quotidien d'un poilu, devant ses yeux et dans son esprit.
Qu'est-ce qui fait le charme d'un roman ? Quels éléments lui permettent d'exercer un pouvoir sur son lecteur : son histoire, ses personnages ou ses mots ? Certains ouvrages n'ont besoin que de l'un de ses éléments pour être bons et d'autres sont des chef-d’œuvres sous toutes les coutures, c'est le cas, à mon sens, pour Les Croix de Bois. La première guerre mondiale étant la période historique qui m'intéresse le plus, j'étais déjà encline à l'apprécier et, en effet, plus qu'une lecture coup de cœur, ce fut une expérience émotionnelle que je n'avais encore jamais vécue en lisant. Tout d'abord grâce à la plume de Roland Dorgelès qui maîtrise tant les formules purement belles et stylées que l'argot provincial propre au péquenot qui débarque de la cambrousse pour aller au front. Ensuite (et peut-être surtout) par sa volonté d'étayer son récit de la brutalité et de la réalité du combat évoquant et le sang et la mort, et les amitiés et les espoirs. Par moment, des passages sont vraiment durs à supporter dont un chapitre – qui fut d'ailleurs censuré à sa publication – pour lequel j'ai eu du mal à retenir mes larmes.
Mais comment ne pas trouver le courage de les lire lorsque de véritables hommes ont vécu ces évènements tragiques, ont vu les cadavres qui nous sont seulement décrits ? On se sent une impérieuse obligation de continuer ces lignes qui nous touchent en plein cœur, qui nous font une boule dans la gorge et les mains tremblantes.
Ce qui est beau dans ce roman, c'est qu'il ne verse jamais dans le manichéisme, ainsi Dorgelès n'oublie pas d'aborder les regains d'optimisme de ces poilus à peine fictifs : les lettres de l'arrière, les moments agréables avec les villageois(es), un bon repas et un endroit au sec pour dormir de temps à autres... Toutes ces choses simples qui prennent une valeur inestimable que lorsque l'on en est privé. Car le bonheur n'existe pas sans le malheur et il est évidemment impossible de ne montrer que l'existence de l'un des deux.
Les Croix de bois, c'est un livre fort, utile et primordial pour notre connaissance d'un fait historique marquant à ne pas reproduire.
> Dans la fumée, des blessés se sauvaient. Fouillard était couché devant moi, la tête dans une flaque rouge, et son dos s'agitait convulsivement comme s'il avait sangloté. C'était son sang qu'il pleurait.