J'étais entré dans la province des jardins statuaires...
Recommandé à la fois par Scylla et par La Belle Lurette, le mythique ouvrage (1982) de Jacques Abeille, réédité cette année par les audacieuses éditions Attila, promettait beaucoup... et tient l'essentiel de ses promesses ! Le choc du style et de l'art d'installer patiemment une ambiance, toute en allusions et en finesses, renvoie aux joies de la découverte, il y a bien longtemps, du Gracq du « Rivage des Syrtes » et du Jünger de « Sur les falaises de marbre », rien de moins. Dans cet étrange pays tout entier (sans doute) organisé autour de la « récolte » des statues qui poussent en terre, la transformation, qui s'accélère progressivement, du personnage du narrateur, constitue une singulière prouesse en soi, qui fait songer cette fois au Gene Wolfe de « La cinquième tête de Cerbère ».
Je n'aurai sûrement pas la patience d'attendre qu'Attila réédite les tomes suivants du « Cycle des Contrées » (les tomes 2, 3 et 4 restent en effet disponibles à la Compagnie des Indes Oniriques), mais les illustrations de François Schuiten, si elles sont aussi somptueuses que dans ce premier opus, mériteront à elles seules un détour supplémentaire...
« Je vis de grands champs d'hiver couverts d'oiseaux morts. Leurs ailes raidies traçaient à l'infini d'indéchiffrables sillons. Ce fut la nuit. J'étais entré dans la province des jardins statuaires. »