Difficile d'échapper à l'emballement critique autour de ce premier roman. Vous vous rendez compte, même Amelie Nothomb n'en dort plus ! Une structure originale, des références bien digérées, des éloges par ci par là : on y saute tête la première. Normal.
Au bout de trois chapitres, c'est donc une évidence : Les loups à leur porte est un gigantesque puzzle entre les époques et les continents, gigotant d'un personnage à un autre, dans des tons et des situations très différentes. On ne peut s'empêcher de penser, bien qu'il s'agisse d'un autre registre, à Vernon Subutex, qui se servait d'une structure identique (mais plus maîtrisée). Si on commence à y voir clair dans la plus grosse trame du livre (celle de la serveuse Mary-Beth poursuivie par le maléfique Walter), il est tout de même très difficile de passer de drames familiaux façon Paris-Texas à un récit d'horreur gothique dans la région d'Annecy. Car là est bien le premier problème de Fel : les histoires ne fonctionnent pas indépendamment, et une fois liées, ne gagnent pas forcément en importance. Des crapules, des problèmes de couple, des kidnappeurs, des scènes de vengeance, de filature, le Wendigo...plutôt que d'engendrer le trouble, les contradictions de Fel sont confuses, maladroites. Et les scènes de cauchemars, en guise de remplissage horrifique, lassent vites.
On parle de l'influence de King, de Lynch...ce qui n'est pas spécialement vrai. Fel a de la personnalité, c'est certain, mais penche en réalité plus du côté de Oates ou de Kasischke. Certains moments sont magnifiquement tendus, parfois gonflés (toute l'atmosphère de terreur sexuelle du chapitre de Damien) d'autres se perdent dans une violence gratuite inopinée (tout le segment de Benjamin tendance Martyrs/Jack Ketchum) ou ralentissent inutilement l'action. A force de valdinguer, Fel perd en atmosphère et en adresse (pas assez de prise pour apprécier tous les personnages). Les liens entre la France et les Etats-Unis paraissent lourdement artificiels. Peut-être d'ailleurs comme le livre entier, parfois surprenant, mais trop paralysé par l’esbroufe.
Voilà un tableau, pas forcément complet, des liens entre les histoires :
USA Daryl Greer incendie la maison de ses parents dans les années 70's. Il changera d'identité pour devenir Walter. Il fera un enfant à Mary-Beth, le petit Scott, dont elle se séparera et qu'elle confiera à un couple, les Lamb. Quelques années plus tard, il reviendra les tuer pour récupérer son fils.
Duane, un homme en fuite après un kidnapping, rencontrera Mary Beth, et l'a retrouvera bien des années plus tard, lorsqu'elle celle-ci aura délivré Scott de Walter.
Martin Boyd assassine sa femme Charlotte. Peu de temps avant son suicide, il fera la rencontre de Kate, qui deviendra plus tard la petite amie de Scott.
France
Béatrice veut se venger de Clément, le bras droit de Walter.
Claire fait un mémoire sur les meurtres de Daryl/Walter et retrouve Manderley, le manoir de son enfance à Annecy. Lors d'une nuit atroce, elle garde Damien, un jeune garçon qui reviendra plus tard dans un chapitre sanglant.
Louise, la soeur de Béatrice, surprend son mari en pleine infidélité. On apprend que des disparitions ont lieu dans son quartier, et qu'elle est voisine avec les Leroy. La tragédie de ces disparitions (des kidnappeurs enlevant des adolescents) est relatée dans un chapitre où l'on retrouve le fils de Louise et la famille Leroy.