Les Métamorphoses
7.7
Les Métamorphoses

livre de Ovide (2009)

Un labyrinthe de mythes en constante mutation

Je l’avoue, j’ai parfois été perdu dans cette immense œuvre labyrinthique. Il y a beaucoup de récits enchâssés… Surtout, j’ai eu l’impression, un peu avant le milieu de l’ouvrage, qu’Ovide renonçait un peu à son projet, en racontant, beaucoup moins de métamorphoses détaillées – les plus connues sont au début de l’œuvre, et se rapprochant plus d’un récit mythique plus conventionnel, où les métamorphoses elles-mêmes sont la conclusion devenue un peu convenue d’épisodes mythologiques dominés par la transposition de brillants monologues tragiques. Cela m’a décontenancé et je n’ai repris plaisir à la lecture qu’une fois que j’ai vraiment pris conscience que l’œuvre d’Ovide elle-même pouvait se métamorphoser sous nos yeux. Et après tout, combien de fois peut-on décrire de façon différente et sans lasser comment un humain se transforme en oiseau ?


Et il est vrai que même perdu dans ce labyrinthe, j’ai été souvent charmé par cette promenade et sa diversité. Bien sûr, certaines métamorphoses sont absolument virtuoses ; mais Ovide sait aussi varier les genres, entre épopée, poésie élégiaque, tragédie, comédie, etc., pour finir sur un extraordinaire poème didactique pythagoricien. Et il fait tout cela sans se départir de son humour. Car il est toujours spirituel, et l’on sent qu’Ovide ne renonce jamais à un vers brillant, à un paradoxe, ou à un bon mot. C’est à la fois charmant et agaçant, et cela explique que l’œuvre soit si longue…

Cette facilité, on la sent dans ses vers légers, bien opposés à la densité de ceux de Virgile, de même que la désinvolture d’Ovide par rapport à aux mythes qu’il raconte contraste avec le sérieux de son aîné. Ainsi, dans les livres XIV et XV, Ovide résume à grands traits et sans grands égards la geste d’Énée, et montre un certain irrespect envers la mythologie italique et les débuts de l’histoire romaine. Évidemment, quand il s’agit de célébrer Auguste, on ne plaisante plus…


Il faut reconnaître que l’édition que j’ai utilisée, celle des Classiques en poche des Belles Lettres, ne m’a pas toujours permis de me retrouver dans ce labyrinthe. Le traducteur est Olivier Sers, connu pour les libertés qu’il prend par rapport au texte original. Sa traduction révèle de vraies trouvailles, mais le choix de l’alexandrin conduit souvent à l’omission d’une périphrase ou d’un adjectif, et parfois à des traductions assez peu claires.

Cette édition inclut également très peu de notes : par exemple, un des épisodes les plus importants du livre II est consacré à la métamorphose de Callisto, bien qu’elle ne soit désignée dans le texte d’Ovide que par des périphrases. Mais aucune note ne vient éclairer le lecteur, et on ne trouve même pas son nom dans l’index. Il y a d’ailleurs à la fin de cet épisode une faute de traduction flagrante. Pour éviter qu’Arcas ne tue sa propre mère changée en ourse, Jupiter en fait deux constellations, la Grande et la Petite Ourses – ou le Bouvier. Ovide écrit : « Inposuit caelo vicinaque sidera fecit », mais Sers traduit ainsi : « Au ciel où il en fait deux étoiles voisines ». C’est un contresens assez peu important si l’on ne considère que l’écart par rapport au sens littéral (confondre étoile et constellation), mais cela me semble assez révélateur d’un élément important du texte négligé par Olivier Sers : la reprise plus ou moins sérieuse par Ovide de tout un ensemble de références culturelles (et scientifiques), et la dimension étiologique des mythes. J’ai trouvé que l’éditeur laisse le lecteur assez démuni face à un texte complexe, comme si cela ne faisait pas deux mille ans qu’on travaillait à en aplanir les difficultés !

Pour ceux qui ne lisent l’œuvre qu’en français, et qui ne sont pas seulement sensibles à la dimension narrative et poétique de l’œuvre d’Ovide, mais souhaitent comprendre son travail impressionnant d’érudition, je recommande plutôt l’édition Folio, avec une traduction très fidèle, mais peut-être un peu lourde de Lafaye, et les notes pertinentes de Néraudau, un grand spécialiste d’Ovide, et que j’ai dû consulter plusieurs fois quand l’édition d’Olivier Sers me semblait incompréhensible.


Ascyltus
7
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le 1 oct. 2024

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