La nuit est le royaume des solitaires, des rêveurs. Le royaume des amoureux. Dans les noires ruelles des villes errent quelques êtres égarés. Ils marchent. Ils pansent leurs plaies. Ils pensent à tout. Ils ne sont rien.
La lumière aveugle ces damnés du jour. D’ailleurs ils le détestent. Le jour, ce royaume des apparences où chacun trompe et se trompe. Aux jours sombres se succèdent les nuits blanches. Peut-être au bord d’une rivière bouillonnante le rêveur trouvera-t-il enfin la paix ? Peut-être sous le pâle éclairage d’un réverbère apercevra-t-il un visage blanc. Et alors il s’arrêtera, il le contemplera. Il verra les larmes ruisseler sur ces joues empourprées. Il verra la tristesse d’un rêveur déçu, d’un amoureux déchu. Il pensera avoir trouvé son âme sœur. Il lui proposera de l’accompagner dans ses nuits blanches. Il apprendra à le connaître, ce doux visage. Il saura qu’il fut celui d’une femme heureuse. Il saura qu’elle attend le retour de l'être aimé. Il lui dira alors qu’il fera tout pour l’aider. Il tombera amoureux. Il croira de nouveau au jour, envisagera même d’y retourner, pour enfin vivre la vie au lieu de la rêver.
Mais soudain surgit de l’avenue enneigée une silhouette. Le mélancolique visage pâle reprend soudain vie. Et elle part rejoindre la silhouette. Heureuse. Un adieu. Elle disparaît. A tout jamais. Et voici notre rêveur de nouveau seul. Amoureux d’une ombre. Errant dans la nuit. Il survivra tout de même. Il rêvera son retour. Malgré tout. Malgré le jour. Malgré la vérité. Car même les rêves doivent lutter pour survivre.