En 1974, impossible de trouver une pizzeria à Reykjavik. L'Islande, qui n'est indépendante que depuis 30 ans "accueille" alors sur son sol des troupes américaines en pleine guerre froide (elles y resteront encore longtemps d'ailleurs). C'est dans ce décor qu'un jeune policier de proximité, intrigué par la noyade apparemment accidentelle d'un clochard et la disparition concomitante d'une femme (suicide ?) se met à enquêter pour son propre compte. Le flic en question, c'est notre cher Erlendur que Indridason renvoie au début de sa carrière dans Les nuits de Reykjavik. Au départ, on a un peu de mal à se faire à cet Erlendur rajeuni mais ses principaux traits de caractère sont déjà là dans ce polar précieux pour ses détails sur l'Islande de ces années là, avec sa petite délinquance, ses drames conjugaux et son statut d'île encore "épargnée" par le capitalisme. L'intrigue est superbement menée avec de beaux coups de théâtre in fine. Mais c'est bien entendu le comportement et la psychologie du futur commissaire qui passionnent. Homme fruste, blessé, indécis dans sa vie sentimentale, pas encore misanthrope mais déjà troublé par les accidentés de la vie comme lui, tourmenté et obsédé qu'il est par les cas de disparitions. Les nuits de Reykjavik n'est certainement pas le plus ample et ambitieux des livres d'Indridason mais c'est l'un des plus intimistes et mélancoliques qu'il ait écrit. Et donc indispensable à tous ceux pour qui un roman policier ne se résume pas simplement à l'élucidation d'un crime.