**Attention, spoilers**
The Seven Husbands of Evelyn Hugo, est aguicheur non seulement par son titre intriguant, mais aussi car il est extrêmement populaire sur les réseaux. Encensé dans les milieux féministes et LGBT, je me devais de ne pas passer à côté.
Il raconte, à travers une interview accordée à la journaliste Monique Grant, la vie mouvementée, parfois même scandaleuse, de l’actrice Evelyn Hugo, icône légendaire du cinéma dans les années cinquante. Cette dernière a été mariée pas moins de sept fois, avec sept hommes différents, et tout le monde se demande lequel d'entre eux a été son vrai grand amour. Evelyn, alors âgée de quatre-vingts ans décide de répondre à cette question, et de livrer toute sa vérité sur son passé. Mais ces révélations ne seront faites qu’à Monique Grant, une journaliste inconnue au bataillon. Cette occasion pourrait être l’opportunité de sa carrière.
Sans mentir, les premiers chapitres ont été une immense déception, car je n’accrochais pas du tout avec le style YA de l’autrice, et le ton du roman.
Mais ensuite, j’ai été tout simplement séduite par la qualité du scénario et des personnages. L’utilisation de la première personne se révèle adroite, les protagonistes sont frappants, réalistes, complexes.
Si je devais pointer un défaut au roman, ce serait toute la partie qui décrit l’interview entre Evelyn et Monique. L’idée en soi est plutôt bonne, le retournement de situation bien mené, mais le personnage de Monique est fade, niais, et même un peu bête parfois. On a l’impression qu’il est là pour qu’on s’identifie à elle, mais ça n’a pas fonctionné du tout pour ma part, j’étais plutôt agacée par son manque de confiance, la façon qu’elle avait de toujours s’excuser pour tout, et le fait qu’elle n’ait pas montré une once d’intelligence tout au long de l’interview. A la place d'Evelyn, j'aurais un peu peur du résultat de ma biographie. Pour autant, ça n’en fait pas un mauvais personnage j’imagine, car un roman ne peut être fait que de personnages hors du commun. Monique était, à sa façon, bien écrite dans toute sa non splendeur.
The Seven Husbands of Evelyn Hugo aborde des thèmes difficiles, mais sans en faire des caisses : homosexualité, bisexualité, sexisme, racisme, tout est en subtilité, en sous-entendu parfois. C’est finement introduit dans un dialogue, pas forcément abordé de plein front, mais pour autant tout aussi percutant. Il permet de réfléchir aux relations humaines, à leurs complexités, à leurs nuances, à leur subtilité.
Lorsque vous creusez un tout petit peu sous la surface, la vie amoureuse de chacun est originale, intéressante, nuancée, et défie toute définition facile. Et peut-être qu’un jour je trouverai quelqu’un que j’aimerai comme Evelyn aimait Celia. Ou peut-être que je pourrais juste trouver quelqu’un que j’aimerais comme mes parents s’aimaient. Savoir qu’il faut le chercher, savoir qu’il existe toute sorte de grand amour, me suffit pour l’instant.
Le roman nous promettait de nous dire, parmi les sept hommes avec lesquelles Evelyn avait été mariée, lequel était son grand amour. Et finalement, aucun. Son grand amour, au sens où on l’entend, son âme-soeur, “the one” était une femme, Célia. Mais “il existe toute sorte de grand amour”, et Harry l’était aussi à sa façon. Tout comme Harry était celui du père de Monique, qui pourtant ne pouvait se résoudre à quitter Angela, sa meilleure amie, sa confidente, sa compagne.
Je l’aime comme on aime une partenaire […]J’aurais une affreuse envie de l’appeler, d’entendre ses pensées, de savoir comment elle va, chaque moment de chaque jour si je n’étais pas avec elle.
Comment une déclaration d’amour d’un homme à un autre homme peut-elle être, à sa façon, une si belle déclaration d’amour à une femme ? J’ai été absolument subjuguée par cette lettre, et je crois de tout cœur qu’à la place d’Angela, j’aurais aimé la lire parce qu’elle est fondamentalement magnifique.
Les représentations queer étant assez rares, comment ne pas être touchée, transportée par la relation entre Evelyn et Celia ? Attendrissante, dramatique, poignante, c’est l’une de mes préférées de la littérature et du cinéma.
Ça fait vraiment réfléchir, n'est-ce pas ? Que les gens étaient si désireux de croire que nous échangions nos conjoints mais auraient été scandalisés de savoir que nous étions monogames et queer ?
J’ai également bien aimé la façon dont Evelyn ne se catégorisait pas comme personne bisexuelle au début “Il y avait Celia et il y avait les autres”. D’un certain côté, j’ai trouvé que ce roman cherchait à dépasser les catégorisations. Sans pour autant les dénoncer, car à travers l’exemple des émeutes de Stonewall, on comprend aussi tous les avantages qu’une catégorisation peut aussi apporter. Et on ne répétera jamais assez que la représentation est importante, et cela fait un bien fou d’avoir enfin un personnage bi aussi bien écrit. Taylor Jenkins Reid a parfaitement bien décrit la façon dont les personnes bi pouvaient être aussi bien malmenées dans leur intégrité, à la fois par les gays et par les hétéros. Les uns comme les autres ont tendance à ne voir que ce qu’ils veulent voir de façon non exhaustive.
Je détestais qu'on me traite de lesbienne. Pas parce que je pensais qu'il y avait quelque chose de mal à aimer une femme, remarquez. Non, je l'avais accepté il y a longtemps. Mais Celia ne voyait les choses qu'en noir et blanc. Elle aimait les femmes et seulement les femmes. Et je l'aimais elle. Et donc elle a souvent nié le reste de ma personnalité.
Pour conclure, The Seven Husbands of Evelyn Hugo est un roman marquant, qui se lit pourtant très bien, et que je ne saurais que trop recommander à tous les lecteurs intéressés par les sujets queer, les années 50 aux États-Unis, l’amour et les relations humaines.