Je tient ce livre pour l'un des plus marquants que j'ai jamais lu, et pour cause : Madame Bovary reste pour moi l'incarnation de ces personnes qui se trouvent enfermées dans leur vie. D'abord parce qu'elle est mariée à un médecin à l'esprit grossier et imbécile, qui ne se permit d'avoir de l'ambition qu'une seule fois, et dont l'échec fut si monumental que l'on dû couper la jambe qu'il était sensé soigner. Ensuite parce que cet homme, à qui ont l'offrit sans qu'elle ait son mot à dire, se contente d'une petite vie tranquille dans les campagnes françaises. Une vie où la foire agricole est le summum de l'agitation. Une vie dont Molière se moquait déjà dans son Tartuffe, Lorsque Dorine, pour dissuader Marianne d'accepter d'épouser le faux dévot, insiste sur l'horreur de la vie de petite bourgeoise qu'il lui réserve ; une vie où il ne se passe rien.


Aussi, lorsqu'elle se jette dans les bras d'hommes qui profiteront d'elle, je ne peux m'empêcher de me dire qu'elle savait. Qu'elle devait, au plus profond d'elle-même, se douter dès les premiers instants comment tout cela finirait. Car je ne pense pas qu'elle soit une idiote ; capable de duper son mari et de faire tourner la tête de bien des hommes, grande spéculatrice à la hausse d'un bonheur illusoire, il y a chez cette femme autant d'intelligence que de passion. Mais voilà : devant un ennui si colossal, si ancré dans une vie provinciale où elle s'embourbe toujours d'avantage, sans doute a-t-elle voulue se rendre elle-même aveugle. Croire que ces escapades dureraient toujours. S'abîmer dans des rêves et dans une fête des sens, pour ne pas avoir à se débattre dans une vie qui n'en a justement pas, de sens.


C'est ce qui rend ce livre, magnifiquement bien écrit, pitoyablement tragique. L'ultime acte de désespoir de madame Bovary est une énième fuite vers un ailleurs fantasmé. Mourir plutôt que de s'ennuyer, ou plutôt mourir pour ne pas s'ennuyer.


En un sens, je trouve que Flaubert a fait ici ce que fera Buzzati avec son désert des Tatares bien après lui. Bien sûr les deux livres sont très différents et profonds chacun à leur manière. Mais dans tous les cas, je reste marqué par ce personnage qui aurait tant voulu briller, mais qu'on a muré dans une vie qui ne correspondait pas à son caractère. A relire.

Pulsar
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le 14 mai 2017

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