Elsa, viennoise de son état, est une jolie jeune femme de 19 ans qui passe des vacances en Italie. Vacances qui se passaient pas trop mal jusqu'à ce qu'elle reçoive un télégramme rédigé par sa mère lui disant que son père, avocat, doit une très grosse somme d'argent, qu'il avait détourné et qu'il n'a pas manqué ensuite de perdre dans des investissements boursiers foireux. En bref, elle doit demander avant après-demain la somme de 30 000 florins à un certain Dorsday (oui parce que le paternel avait soufflé pas mal de pognon à droite à gauche auparavant pour d'autres emmerdes, donc les amis et la famille sont un peu trop saoulés pour accepter à nouveau de lui faire un prêt !), un riche marchand d'art, qui se trouve être dans le même hôtel, sinon papa se retrouve en prison. Elle fait, avec pas mal de réticences, la demande à Dorsday. Celui-ci accepte, à condition qu'il puisse la mâter à poil pendant un quart d'heure...
La lecture de La Nouvelle rêvée avait une excellente surprise pour le lecteur que je suis et la belle découverte d'un auteur que je ne connaissais par son nom. Donc, il n'y avait aucune raison valable pour ne pas que je me jette assez vite sur sa nouvelle la plus célèbre, à savoir Mademoiselle Else. Et bingo, j'ai adoré. J'ai dévoré l'ensemble.
Le monologue intérieur. Dis comme cela, ce n'est pas très glamour. Mais quand c'est écrit avec une telle justesse (enfin ça m'apparaît d'une justesse incroyable, mais étant donné qu'on suit tout du long les pensées d'une jeune femme, mesdames, j'attends vos opinions !), que c'est écrit avec une telle puissance, ça ne tarde pas à devenir vite captivant.
Si on excepte les dialogues des autres personnages, tous mis en italique, tout vient de notre protagoniste. On a un mélange d'une multitude de pensées, de pensées totalement contradictoires, des pensées bonnes, des pensées mauvaises, parfois envers la même personne, des pensées de pitié, des pensées de perversité, une pensée légère qui s'invite subrepticement sans crier garde au milieu de pensées graves, des pensées égoïstes avec des pensées altruistes. Bienvenue dans la complexité de l'esprit humain. Et puis les pensées fatales, la contradiction fatale, des pensées de pudeur extrême sur lesquelles des pensées de pulsions exhibitionnistes vont donner de sérieux coups de boutoir... Mais même aux frontières de la folie nerveuse, le regard de la jeune femme va rester acéré et nous faire voir la redoutable médiocrité humaine.
Arthur Schnitzler était un géant pour ce qui est de nous faire pénétrer au plus profond de la psyché humaine. D'accord il y a eu l'influence de Freud, d'accord Schnitzler était un médecin à l'origine, mais il fallait beaucoup plus que cela pour arriver à un tel résultat ; comme par exemple le génie et le talent. En tous les cas, cette Mademoiselle Else va vous marquer à vie...