Je n'ai pas lu d'autre roman post-apocalyptique mais alors celui-là, « on y est » : l'explosion, le silence, l'insécurité, le monde sans soleil, sans oiseau, sans insecte, sans personne, les conditions Je n'ai pas lu d'autre roman post-apocalyptique mais alors celui-là, « on y est » : l'explosion, le silence, l'insécurité, le monde sans soleil, sans oiseau, sans insecte, sans personne, les conditions de survie, les horreurs en tous genres et les autocrates improvisés, on est servis. L'explosion, on peut se faire plein de films avant, c'est quand-même hyper surprenant. On ressent l'attachement que le narrateur a pour le château où toute la compagnie passe son "confinement", la sécurité qu'il représente ( hors du château Emmanuel se sent comme « un bernard-l'hermite sans coquille ») comme si c'était nous. On est immergé dans un château médiéval, dans lequel une poignée de survivants ruraux parle patois et organise au mieux leur survie, le tout au milieu d'un tas de cendres. Et puis Merle ne se contente pas d'un thriller post-apocalyptique (je m'en serais contenté moi!), il nous lance sans arrêt sur des questionnements en tous genres, la place de la technique forcément, les relations sentimentales dans une petite communauté, le rôle du religieux, l'organisation politique dans une situation d'urgence et de survie, le rythme et la temporalité de la vie, il nous initie même à l'art de la guerre comme le dit un moment son narrateur. Malevil c'est une expérience de pensée anthropologique. C'est à la fois un désastre, une robinsonade douloureuse et aussi beaucoup d'utopie. C'est le moment de reconstruire un monde en choisissant ce qu'on veut garder de l'ancien et ce qu'on veut changer. Ce n'est pas l'enfer, ce monde post-apocalyptique ; il y a même des moments où on se demande si on le préférerait pas à celui d'avant (pas trop quand-même!). En tout cas, cette richesse du monde d'après m'a vraiment enthousiasmé. Le seul point qui me laisse un goût mitigé c'est l'appréhension de la psychologie des femmes. Qu'on soit immergé dans le sud ouest rural des années 70 et que les rapports de genre soient marqués d'archaïsme, surtout dans un huis clos comme Malevil, c'est compréhensible et sert l'ambiance du roman. En plus les relations hommes-femmes sont un des points de réflexion critique au sein de la communauté. Mais le narrateur d'ordinaire si fin, devient 9 fois sur 10 une tête à claque quand il parle des femmes. Extrait choisi : « Cathie par exemple, d'ordinaire si pétulante, ne pense pas pour le moment à tout ce qu'elle peut tirer de son corps et de celui des autres. Elle pense. Point. Et comme elle n'en a pas l'habitude, elle a l'air assez fatigué. » C'est un peu l'exemple extrême, mais au-delà de ça, il faut être bien coriace pour éviter d'être sans cesse ramenée au statut d'objet sexuel quand on est une femme dans ce roman : en fait il faut être soit très brillante, soit laide, soit « garçon manqué », de préférence le tout ensemble. Pour finir sur une bonne note, la mode de narration est un coup de génie, un personnage intervenant ponctuellement pour corriger le narrateur principal et rectifier sa version des faits contés (souvent arrondis à son avantage). Je n'avais jamais lu ça, l'effet sur la lecture et la perception de l'histoire est génial !