Comme Schopenhauer, je ne lis jamais d'œuvres qui appartiennent au présent. Non pas car je suis sous l'influence de ce philosophe mais car, avant même de le lire, il me semblait logique de ne pas m'attarder sur des ouvrages qui n'avaient pas traversés le temps ; car la vie est courte, très courte et la lecture est une activité qui dévore le temps qui passe, or, le temps est un bien déjà si précieux, si vite dilapidé dans des activités inutiles, que je ne peux me permettre de faire le parie d'acheter un livre contemporain et d'espérer que ce dernier soit un chef-d'œuvre. Lorsque je lis un vieux roman, au moins, je sais à qui j'ai à faire. Cependant, par excès de curiosité, j'ai décidé récemment de lire du contemporain, histoire de voir ce qui se faisait, histoire de pouvoir juger en connaissance de cause. Dans la sélection des livres, j'ai fait confiance à ceux qui se donnent la peine de juger les manuscrits du présents, ceux qui, je l'espère - car je ne sais rien des critiques contemporains et de leurs méthodes - mettent en avant des grands textes. Et quoi de mieux qu'un prix Nobel français pour m'essayer à la littérature moderne ?
Ici, j'ai donc pris soin de lire Mémoire de fille écrit par Annie Ernaux, autrice que je ne connais pas. Les premières lignes sont bien pensées, le rythme est plaisant et une plume mélancolique teintée de discours intelligibles et intelligents se rapprochant d'un Kundera amorce le récit. Et ensuite, qu'avons nous dès les premières lignes dépassées ? Un récit convenue, une plume qui se perd, assez scolaire par ailleurs, et qui manque de maturité. Elle alterne donc entre elle et elle-même, entre un récit brut de cette fille, de cette Annie de 58 et des sentiments qui la composent, et d'elle-même, 50 ans plus tard, qui analyse avec beaucoup de recul cette jeune fille, cette Annie de 58 qu'elle essai de ne pas juger, qu'elle n'essai pas de comprendre mais plutôt pour laquelle elle ressent une certaine empathie. Une empathie lié à l'incompréhension générale d'elle-même.
Dans ce dialogue entre passé et présent, elle va découper son récit en 2 parties : l'acte de la première fois et la résultante de cette acte. Mais voilà pourquoi je trouve cette œuvre immature, non pas pour les thématiques choisis qui peuvent être très intéressantes, mais plutôt pour son traitement. La Annie de 58, lorsque qu'on parle d'elle, on l'a décrit d'un point de vu externe, la déshumanisant presque. Cette jeune femme se retrouve dénudée d'humanité, elle est un pantin, absurde entité qui se laisse porter par le courant de son existence. Elle est une jeune fille égarée, perdue, naïve, presque le clichée de l'adolescente. "Et c'est en cela que cette œuvre et une force, pourrait-on me rétorquer, un récit brut, ancré dans la réalité, qui ne se souci pas de blablater, de donner du lyrisme à toute chose, de convenir d'une morale philosophique absurde. Non, ici il s'agit du récit d'une vie, de faits établies décrits sans pudeur. Voilà son charme, voilà son génie" Or, je trouve cela terriblement risible. Car cette fille dont on parle, cette fille de 58, passe donc pour une sotte. Et alors ? Alors, le récit est lui-même sot car il n'y a aucunes explications, aucun traitement de la sottise, aucune profondeur. Nous observons juste un personnage creux, décrit par une femme qui n'arrive pas à l'expliquer. Car la Annie du 21e siècle, celle qui commente le comportement de la jeune fille de 58, ne sait jamais comment parler de cette gamine, elle est en perpétuelle négation du savoir. Elle nous parle de souvenir dont elle ne se souvient plus, elle retrace des faits sans en expliquer leurs teneurs sentimentals ni leurs causalités car "elle ne sait plus". Et le non-savoir en littérature peut être une force, mais ici, cette non-connaissance d'elle-même entache son parti prix formel. On se retrouve donc dans un récit, plutôt bien écrit, mais qui ne raconte rien de vraiment intéressant. Les premiers ébats d'une femme et leurs conséquences ? Sujet passionnant mais dont on reste en surface. On entrevoit une certaine sensibilité, on entrevoit une femme qui est dans le déni de son traumatisme lié au jeune H, on entrevoit une certaine nostalgie malsaine de ces années-là, la dépravation des rêves d'une gamine aliéné, l'atmosphère grise de ce début des années 60 et ces rapports de classes marquants. Le livre est riche en thématiques, procure parfois l'émotion, la jouissance esthétique, mais reste profondément lisse. Il n'y a aucune profondeur stylistique ni dramaturgique. L'exemple le plus frappant et la surutilisation de citation afin de se débarrasser des descriptions laborieuses. Je me fiche que ce lieu en Angleterre soit ce genre d'endroit, comme dirait Hegel, où le bonheur perdure malgré tout (je paraphrase mais voilà le sens). Je m'en fiche, on s'en fiche tous. Décrit nous pourquoi cet endroit était rassurant pour toi, pourquoi il l'était pour la jeune fille de 58 ; décris-nous avec détails et minuties les émotions qui enveniment ton cœur face au souvenir de cette période. Et tout est comme ça, tout est feignant, au lieu de détailler on fait référence à cet auteur qui a mieux parlé de ce sentiment-là, de cette thématique là, où de ce lieu ci. Voilà. Pourquoi faire un livre dans ce cas ? Aucune idée.
La jeune fille de 58, pourquoi chercher à la comprendre par moment, si ce n'est pas pour approfondir ses déterminismes et se contenter alors, de citer quelques auteurs et quelques faits qui auraient pu la mener à cette situation. Pourquoi non plus ne pas dévoiler l'intégralité de son cœur ? Evidement, tout ceci aurait pu être fait un subtilité, avec originalité sur la forme comme sur le fond. Mais voilà, rien de tout ceci n'a été fait. Nous avons ici un roman d'adolescent qui n'a même par la force d'avoir une plume juvénile, maladroite et malhabile. Non. Nous avons ici une plume professionnelle, trop propre et trop lisse. Ce livre aurait gagné à être sale, à être moins bien écrit car il aurait plus collé à son jeune caractère. Ce qui reflète également son aspect d'ado, c'est le narcissisme même de l'autrice. Non pas que le narcissisme me pose problème en littérature, au contraire, parler de soit, s'analyser soi-même, gouter aux sentiments qui nous habitent puis retranscrire cela à travers l'écriture est souvent se qui se fait de mieux en littérature. Cependant, lorsque nous parlons de soit nous parlons aussi des autres car ils sont le reflet de nous-même. Mais ici, rien, où alors j'ai mal lu, mais je n'ai pas eu l'impression que ce livre parlait d'autre chose que d'elle-même. Et le fait qu'elle ne se comprenne pas, rend ce livre extrêmement antipathique. (Dans le sens où nous avons du mal à ressentir de l'empathie pour le personnage principal).
Voilà pourquoi j'ai trouvé cette œuvre profondément immature. Elle manque d'universalité. Elle se contente de décrire ce qu'elle peut et laisse les citations compléter sa penser. Certain passage sont véritablement bien écrit, mais ne transcende pas et le livre en lui-même, laisse ce goût amère qu'on les romans de gare. Cela aurait pu être un bon premier roman, mais il est un mauvais dernier livre. Peut-être que ces autres écrits sont meilleurs et que je n'ai pas eu de chance. J'espère. Dans tout les cas, ce livre ne m'aura pas concilié avec la littérature contemporaine. Dommage.
Ps: Ma note (6) n'équivaut à rien, d'ailleurs, toutes mes notes sont données aléatoirement, au jugé, selon mon ressenti à chaud. Ne pas s'y fier donc.