On imagine une histoire noire, crade, effrayante. On tombe à côté. Ce n’est rien de tout ça, mais ça aurait pu l’être si l’auteur n’avait pas été aussi frileux. Finalement, le livre déborde de promesses non tenues et n’est rien de moins que de la SF gentillette à ranger au rayon jeunesse. L’univers a beau contenir quelques éléments violents (jugez-en : des rats, des radiations, des tunnels hantés, des stalkers, des mutants), tout est traité pour plaire à des gamins de 12 ans et n’ose jamais aller dans l’horreur pure qu’on aurait espéré d’un tel ouvrage.
Tout le reste suit la même logique. Déjà, il y a un truc qui m’agace sévère dans ce genre de SF, c’est qu’elle est totalement dépolitisée. On croisera bien dans l’aventure des factions communistes et néonazis, mais juste pour le délire. D’ailleurs qu’en 2033 - après un cataclysme nucléaire ayant éradiqué 99% de la population - puissent renaître des forces politiques vieilles d’un siècle n’est absolument pas crédible. À part quelques considérations dignes d’un cours d’Histoire de 5ème, le roman n’a rien à dire. Seul l’épilogue « humaniste » tente d’ajouter une épaisseur symbolique à l’aide d’un retournement de situation de dernière minute. L’idée de fin est bonne d’ailleurs, mais l’auteur pas assez talentueux pour lui donner la grandeur qu’il imagine.
Le plus gros défaut finalement, c’est la longueur. Et là c’est impardonnable. On râle sur les Zola et autres Balzac, gourmands de descriptions interminables. Mais là c’est pire ! Les 3/4 du livre sont sans intérêt. Le plus triste, c’est que l’auteur coupe les scènes qui auraient pu être cools. C’est assez fou à lire. On peut se taper 50 pages chiantes comme la pluie, et voilà qu’une situation intéressante pointe le bout de son nez, mais non ! À chaque fois la narration trouvera le moyen de passer outres, soit par une ellipse, soit en faisant tomber le héros dans les vapes. Et ça n’arrive pas qu’une fois. Artyom (le jeune naïf que l’on suit) nous fait sauter peut-être quatre ou cinq scènes en perdant connaissance. Autant dire que le ressort narratif est usé jusqu’à la corde. Mais merde quoi, j’ai un livre « geek » entre les mains, un livre un peu con, j’aimerais au moins avoir de l’aventure ! C’est bien triste à dire, mais j’ai peiné à le terminer simplement parce que je m’emmerdais en le lisant. Seuls deux chapitres, durant lesquels notre jeune héros sort à la surface, donnent au lecteur ce qu’il attend – soit 50 pages intéressantes, pour 800 soporifiques. Mauvais ratio.
Enfin, le dernier petit tacle que je pouvais glisser à ce livre, c’est sur sa prétendue « quête initiatique ». C’est vrai, le livre se veut une Odyssée moderne : le héros part pour un long voyage, rencontre un sage qui lui annonce de mauvais augures, va de station en station comme autant d'étapes d'une aventure. On a donc la « quête », mais pas vraiment « l’initatique ». On ne ressent pas l’évolution du héros. C’est qu’il traverse des tas horreurs sans jamais être horrifié. Frôlant la mort de près (le gars est quand même pendu en place publique, prêt à être bouffé par des cannibales, attaqué par des monstres, et toujours sauvé in extremis par des deus ex machina merdiques) il en ressort toujours penaud, pas plus embêté que ça. Là où toute cette horreur aurait dû le forger, le contaminer, elle ne fait que mener son chemin.
Bref, Metro 2033 pourra plaire aux Kévin, et encore…les interminables longueurs devraient normalement rebuter n’importe quel lecteur. Mais pour peu qu’on lise de la bonne SF, on trouvera dans celle-ci un triste équivalent aux sagas ados : des œuvres lisses, éculées, naïves, bien trop tendres pour bousculer. Il y a tellement meilleurs livres dans le genre, ce serait con de s’emmerder avec celui-ci.