Inimaginable ! Sordide ! Insensé !
Voilà ce que le lecteur a envie de hurler à la lecture de ce court roman post-apocalyptique. Roman de la stérilité et de la solitude, de l'invraisemblance qui glace le sang, "Moi qui n'ai pas connu les hommes" est une chronique futuriste qui donne à réfléchir.
"La petite", la narratrice, est une adolescente d'une quinzaine d'années, enfermée dans une cave avec trente-neuf autres femmes. Prisonnière depuis son plus jeune âge, elle n'a aucun souvenir du "monde d'avant" où, paraît-il, circulaient calmement des automobiles, où les enfants jouaient dans le square et où les amoureux se promenaient main dans la main… le "monde d'avant" où, aussi, les peuples se déchiraient en massacres nucléaires, où la consommation ne pouvait plus être relancée tant les ménages étaient équipés, où une planète phtisique se consumait à petit feu... Contrairement à ses compagnes d'incarcération, "la petite" n'a rien connu de tout ça, elle n'a connu que l'après : cette cave, cette cage, ces gardes muets qui veillent à ce qu'elles aient de quoi manger, se soigner, s'habiller, se laver, dormir, qui veillent à ce qu'elles ne se touchent jamais et qu'elles ne parlent pas trop entre elles. Par conséquent "la petite" a peu de sentiments, elle ne connait pas le sens du remord, celui du regret, encore moins celui de l'amour.
Et puis, un jour, une alarme. Un hasard. Une porte ouverte.
Liberté. Remontée à la surface. Désolation. Paysage lunaire.
Désert. Personne. Nulle part.
Que faire désormais de cette liberté qu'on lui dit être pourtant le bien le plus précieux ?
Ce roman est court mais très intense. Il est dérangeant, et parfois carrément flippant. Quarante femmes qui errent dans une plaine désertique sans but, sans objectif, sans enjeux. Sont-elles seulement encore sur Terre ? Comment savoir ? Elles ne savent rien, ni pourquoi elles ont été enlevées ni pourquoi elles ont été enfermées sous terre pendant tant d'années. Elles ignorent où elles sont, ce qu'elles doivent faire, pourquoi elles vivent, à peine si elles se rappellent de qui elle sont.
"Moi qui n'ai pas connu les hommes" est un conte philosophie dystopique. L'auteur imagine un "après" à notre monde "civilisé". Peu d'informations sont fournies, comme un fait exprès pour nous encourager à faire jouer notre imagination et à concevoir ce rêve noir à travers un monde complètement stérile et inutile. Un roman qui cherche aussi à prouver que l'espoir reste chevillé à l'âme humaine même dans les circonstances les plus pessimistes.
Mais, au fait, s'agit-il réellement d'un rêve noir ou bien le lecteur de 2016 est-il autorisé à penser : Inimaginable ? Sordide ? Insensé ?