Mordred
7.4
Mordred

livre de Justine Niogret ()

Mordred souffre d'une blessure au dos qui le cloue au lit. La souffrance ne le quitte plus. Il ne lui reste que ses souvenirs, alors que sa vie est en suspens.


"Chaque nuit était un papillon noir qui buvait le sommeil du chevalier. La brûlure dans le bas du dos, la hanche, la cuisse, c’était l’insecte, c’était sa faim. Parfois, l’insecte enfonçait sa trompe jusqu’au genou. Il y fouillait. Une trompe acide, pointue comme un éperon ; de ceux que l’on met avant les joutes, aussi longs que des doigts, pointus à en faire saigner."


Justine Niogret nous propose de revisiter ce personnage méconnu, mal aimé, traître et assassin, de la légende arthurienne. Au final, de la légende arthurienne, il ne reste que les non-dits, tous les éléments habituels ayant été occultés, de l'épée d'Arthur à la quête du Graal. Il reste un portrait. Le portrait intimiste d'un homme nostalgique de son passé.


Entre souvenirs et temps présents, on apprend à connaître Mordred, au travers des relations qu'il entretient avec les autres : sa mère Morgause, son oncle Arthur, Polîk qui se repaît de son malheur, son médecin, mais aussi la vieille jument placide de son enfance et le jeune étalon fougueux de sa convalescence.


"Tu te souviens les troupeaux de dix bêtes, chacune différente, chacune avec un nom ? L’amour des paysans pour leurs animaux. Moi, je regardais les mouches qui se posaient sur les yeux des veaux. Elles buvaient leurs larmes, leur sel. Comme si elles buvaient leur peine. Les maîtres des vaches, les maîtres des taureaux regardaient ces petits tout juste nés, leurs genoux ronds comme des courges, leurs pas trébuchants. Ils en étaient fiers. Ils voyaient leur fortune, le résultat de leurs efforts. Moi, je voyais les mouches. Tu es mon veau, Mordred. Je bois et ma soif ne s’étanche jamais. Je t’ai choisi ce jour-là. Boire ta peine, voilà ce qui me nourrit. Je n’ai pas à te détruire. Juste à me poser près de tes yeux. Il t’a toujours manqué le vice de le comprendre."


J'appréhendais cette lecture après ma déconvenue avec Gueule de Truie. Au final, je l'ai bien appréciée. Une lecture au parfum amère que la nostalgie peut prendre quand elle vous serre le ventre au rappel de vieux souvenirs. Les émotions de Mordred, transmises par une très belle écriture, ont su me toucher. La conclusion, brute et inéluctable pour qui connaît la légende, est magnifiquement traitée.


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TiggerLilly
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le 5 nov. 2014

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