Je découvre cet écrivain prolifique avec ce livre (que je n’aurais pas lu sans sa sélection pour le prix, je précise). Jérôme Ferrari donc, prix Goncourt 2012 pour Le Sermon sur la chute de Rome – avec un titre pareil, heureusement qu’il y a le bandeau rouge – dont j’ai lu dans la presse que son truc, son domaine d’écrivain, c’est la Corse. Pourquoi pas, dont acte. Ça a l’air joli, la Corse – en tous cas c’est ce que tout le monde dit – et la gastronomie locale a l’air sympa. Passionnant, non ? Non, en effet. Eh bien le livre est rempli de clichés de ce genre sur la Corse, pas ceux-là bien sûr, et est même fondé autour : la Corse, c’est donc la mafia, les familles de bandits, l’honneur, la gloire passée, et le tourisme. Oh la la, il y en a marre des touristes, bouh la petite classe moyenne vulgaire.

Nord Sentinelle est construit très bizarrement autour de sauts chronologiques sur les branches de l’arbre généalogique des Romani. Alexandre, dernier rejeton de cette lignée de bandits corses à la plus ou moins petite semaine, poignarde son ami Alban sur le port, fils de propriétaires d’une maison secondaire sur l’île, pour une histoire de bouteille de vin. Retour dans les années 1930 pour un autre Romani qui assassine aussi des gens, puis passage à Philippe, père d’Alexandre, qui vend à des comités d’entreprise des fausses expériences corses authentiques. Ah oui, et il y a aussi une histoire de Sultan d’Abyssinie et d’un capitaine explorateur de l’armée britannique.

On n’y comprend rien, toutes ces métaphores sur l’indigène et l’extérieur ne m’ont absolument pas intéressé (dénoncer le tourisme de masse en 2024, quelle audace !), et surtout le roman baigne dans une espèce d’imaginaire rance et réactionnaire d’une Corse pure, au peuple premier et natif, qui serait polluée et salie par l’ouverture sur le monde. Et pour ne rien arranger, les personnages sont tous cons et détestables, petits, mesquins et sans honneur, sans rien pour nous y rattacher. L’auteur jouit du malheur qui leur arrive, surplombant, content de son effet, c’est très aigre et désagréable.

Heureusement que Ferrari écrit bien ; ou en tous cas, il a un style, pas tout à fait dans ma veine : léché, précieux, presque boursouflé. Mais au moins, c’est un style. Ça m’a permis d’arriver jusqu’au bout (heureusement le livre est court), où je suis tombé sur une table des matières ajoutant des sous-titres grotesques au roman : « Très brève théorie de l’enfer », « Histoire de la vérole australe », « Histoire du mensonge qui est aussi un non-sens »… C’est le premier tome d’une trilogie. Je resterai à quai.

antoinegrivel
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le 28 nov. 2024

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Antoine Grivel

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