Dans un appartement de Saint-Pétersbourg, Ilia Ilitch Oblomov, propriétaire terrien, passe ses journées allongé sur un divan. Non qu’il soit malade - son visage replet respire au contraire la santé -, quant à son âge, c’est celui de la maturité florissante qui permet à la plupart des hommes de mener une vie active. Seulement voilà, Ilia Ilitch souffre d’oblomovisme, apathie chronique caractérisée par une tendance à la rêverie, une incapacité à prendre des décisions et une aversion profonde pour toute forme d’effort. Pourquoi prendre la peine de sortir ou de travailler alors que la vie peut être si confortable dans un intérieur douillet ? Aux soirées mondaines, Oblomov préfère une sieste réparatrice sur son canapé ; aux habits élégants, sa large robe de chambre et ses chaussons moelleux. La monotonie de ses journées n’est rompue que par la succession des repas. Et lorsqu’il s’agit de lire, le journal de l’an passé suffit bien, vu qu’Ilia Ilitch ne l’a pas encore achevé… Qu’elle est douce cette existence prévisible ! Vous l’aurez compris, notre anti-héros n’aspire qu’à une chose : le repos. Mais peut-on vivre ainsi à l’écart de toute société, en simple spectateur, sans passions ni sans chagrins ? Il semblerait que non. Les soucis liés au monde extérieur ont tôt fait de rompre cette quiétude. Oblomov est sollicité pour régler des factures, s’occuper de son domaine rural, répondre à des lettres, faire des visites… Toutes choses qu’il se contente de remettre au lendemain, avant de se rendormir du sommeil du juste. Ce laisser-aller mène progressivement Oblomov à sa ruine. Son intendant le vole, la plupart de ses connaissances ne sont que de vils pique-assiettes, quant au valet Zakhar, il considère les soins du ménage comme superflus. Pourtant Stolz, le meilleur ami d’Oblomov, est un homme volontaire, pratique, actif. Parviendra-t-il à tirer Ilia Ilitch de son marasme ? La belle Olga saura-t-elle éveiller la passion dans cette âme indolente?
Ce roman, l’un des plus brillants de la littérature russe, a suscité l’admiration de Dostoïevski et de Tolstoï, dont Gontcharov était un contemporain. Fresque sociale, il nous entraîne dans la Russie des tsars, à la rencontre des fonctionnaires pétersbourgeois et des barines (propriétaires terriens). Mais c’est avant tout un roman psychologique qui tient à la fois de la comédie et du drame. La première partie est un chef d’œuvre de drôlerie, car pendant 200 pages chacun tente de tirer Oblomov du lit sans y parvenir. Les dialogues sont vivants, comiques et on visualise les situations aussi bien que devant une scène de théâtre. Mais au fil des pages, le récit gagne en profondeur. C’est une véritable tragédie qui se noue, non pas de celles que déchaînent les passions, mais plutôt un drame existentiel. Que signifie le bonheur ? Faut-il agir pour l’atteindre ou se contenter d’être ? Oblomov et son ami Stolz font des choix que tout oppose, c’est pourquoi leurs destins seront très différents. Alors, l’oblomovisme est-il un vice, un spleen à la russe ou une forme de sagesse ? Qui sait ? On ne peut répondre avec certitude, mais si la littérature a pour vocation de nous interroger, Oblomov y tient assurément une place de choix. Que vous aimiez rire, réfléchir ou rêver, lisez ce roman, car même si notre paresseux prône la passivité, le lecteur lui ne s'ennuie pas une seule seconde!!