Le Mythe de Cthulhu tel que présenté dans son édition J’ai lu faisait l’erreur d’intégrer dans le décompte de ses nouvelles quelques-unes n’ayant aucun lien clairement établi avec le panthéon monstrueux constitué par Lovecraft au cours de sa vie ; tout au plus peut-il faire office d’introduction à l’univers fantastique de l’auteur.
L’intégrale en trois volumes des Œuvres de l’homme de Providence éditée chez Robert Laffont fragmente de manière plus scrupuleuse son travail, et donne un aperçu plus exhaustif de chaque aspect de sa production. On pourrait alors lui reprocher son académisme, cependant le découpage chronologique opéré par le génialissime Francis Lacassin laisse nettement entrevoir l’évolution significative de l’univers lovecraftien, et en suivre le fil devient alors plus facile et plus productif pour la connaissance de l’auteur tout comme de son travail.
Les Mythes de Cthulhu rassemblent ainsi les 19 nouvelles apparentées au morbide panthéon cosmique de Lovecraft, tandis que les 20 Légendes inventorient l’enrichissement de celui-ci opéré par ses amis et admirateurs. Lacassin évite ainsi l’erreur de circonscrire l’œuvre d’un écrivain à son unique production pour laisser deviner la place significative réservée à la construction de ce mythe dans le cœur de l’écrivain, tout autant que l’enthousiasme qu’il ait pu susciter parmi une communauté de lecteurs proches et spécifiques.
Les Premiers Contes, courts et quelque peu téléphonés, ne sont pas à considérer comme des débuts médiocres, leur facilité demeurant imputable à l'âge de Lovecraft lors de leur écriture (de 5 à 18 ans ; d'ailleurs essayez vous-mêmes d'écrire de la bonne came à cet âge-là, vous verrez...). Plutôt à considérer comme une curiosité littéraire, témoignage d’une précocité certaine et des premières influences qui mèneront à la construction de cet univers fantasque.
L’Art d’écrire selon Lovecraft constitue la partie strictement théorique du premier volume, en tant que compilation de lettres, articles et carnets rédigés par l’auteur consacrés à son idéologie littéraire. Ses prises de position strictes peuvent pleinement justifier le terme d’« idéologie », et vous risquez de tomber en désaccord avec lui sur certains points abordés, notamment sur son refus du récit d’anticipation en tant que lecture inexacte du réel, ou de renâcler devant certains des propos conservateurs ou clairement racistes exprimés de-ci de-là. Les carnets restitués feront quant à eux le bonheur des études génétiques de Lovecraft.
Ses « Suggestions pour un guide du lecteur » de même ne présentent un réel intérêt qu'à l’approfondissement de l’univers lovecraftien, rare étant les potentiels lecteurs de l’ensemble des œuvres citées par l’écrivain. Tout comme ses carnets, leur catalogue présente essentiellement un éventail des lectures de l’auteur et, ainsi, de ses influences littéraires. Les « suggestions » susdites pourraient tout de même s’avérer susceptible de réveiller votre enthousiasme de lecteur.
Francis Lacassin, héraut suprême de la reconnaissance de la littérature populaire, donne par cette compilation d’écrits le portrait parfait du génie de l’homme de Providence. Un témoignage magnifique des trésors et des horreurs nés de l’imagination de Lovecraft.