L'une des pièces décisives de Tchekhov, dans une mise en scène virevoltante inattendue et plutôt jou
Cette pièce de 1897 (après laquelle Tchekhov n'écrira plus pour le théâtre que "Les trois sœurs" et "La cerisaie") était donnée aux Amandiers de Nanterre, du 9 mars au 14 avril 2012, dans une nouvelle mise en scène, impressionnante et rafraîchissante, d'Alain Françon. L'occasion donc de relire ce texte, dans la vivante traduction d'André Markowicz et Françoise Morvan, publiée chez Babel.
L'irruption déstabilisante du savant retraité Sérébriakov et de sa jeune épouse Eléna Andréevna dans l'univers rural de propriétaires terriens en voie de déclassement est l'occasion pour Tchekhov de camper l'un de ces tableaux au vitriol dont il a le secret, dans lequel les fausses valeurs s'effondrent, et où l'aiguillon de l'ennui du "citadin à la campagne" permet de passer en revue illusions perdues et rêves enfuis, dans une sombre sarabande.
Une pièce d'une grande dureté, dont beaucoup de mises en scène classiques eurent longtemps tendance à faire ressortir le caractère glaçant et le poids écrasant de cet ennui, dans une lenteur figée et étouffante. Rien de cela avec Alain Françon, qui réussit au contraire à installer une atmosphère virevoltante, presque "agitée", qui n'en fait que mieux ressortir l'ampleur des drames intimes et sociaux vécus par les protagonistes. Acteurs éblouissants. Je ne peux que recommander de lire ou relire le texte, bien sûr, et pour celles et ceux qui le peuvent, de se précipiter à Nanterre avant le 14 avril 2012...
"Et là, quand ça ne sert plus à rien, voilà les sentiments qui se réveillent en moi - bourrelé de remords, comme si j'avais fait exprès de le tuer... Je m'assieds, je ferme les yeux - comme ça - et je me dis : ceux qui vivront dans cent ans, deux cents ans, et à qui nous frayons la voie, s'ils viennent à penser à nous, est-ce qu'ils penseront du bien de nous ? Eh non, nourrice, ils ne penseront pas de bien."
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