« Toutes les familles heureuses le sont de la même manière, les familles malheureuses le sont chacune à leur façon. » Ce que Tolstoï disait des familles est également vrai pour n'importe quel individu et, soit dit en passant, le malheur est un bien meilleur matériau pour un roman. Audur Ava Olafsdottir, qui a su séduire le lectorat français dès son premier livre traduit, Rosa Candida, confronte son héros blessé et fatigué, Jonas, à des souffrances bien plus grandes que la sienne, à savoir celles d'un pays dévasté par la guerre. Que Jonas ait décidé d'y passer des "vacances", ou plus exactement de se supprimer là-bas et qu'il ait pensé à emporter sa boite à outils font partie des incongruités du personnage et la romancière islandaise n'a pas son pareil pour nous faire accepter des situations et des comportements a priori peu plausibles dans la réalité. Mais, bien évidemment, cet homme et cette perceuse symbolisent la reconstruction, d'un pays (sa description fait penser à la Bosnie) et de l'être humain qui manie l'outil. Ce qui est toujours étonnant chez Olafsdottir c'est sa façon d'écrire simplement des sentiments on ne peu plus complexes et profonds. Une forme d'humilité, en quelque sorte, qui ne peut que toucher. Le point de départ de Ör n'est par ailleurs pas très éloigné de celui d'un autre livre écrit par un célèbre auteur scandinave : Petits suicides entre amis D'Arto Paasilinna. Mais il va sans dire que le développement de ce dernier, loufoque et absurde, n'a absolument rien à voir. Mais dans les deux cas, ce n'est pas parce que leur sujet peut sembler dramatique qu'ils ne réchauffent pas le coeur. Bien au contraire.