"J'ai joué à la loterie génétique, et j'ai perdu"
La première fois qu'un livre traitant du handicap me touche c'est avec ce livre où l'auteur ne cesse de se moquer d'eux, mais non, je ne suis pas cruelle. Ou si peu.
Ce "Où on va, papa ?", c'est Jean-Louis Fournier qui nous dépeint le quotidien, ses attentes déçues, ses espoirs tués dans l’œuf ou presque avec ses deux enfants, Thomas et Mathieu, handicapés physiques et mentaux.
Sous couvert d'un humour cynique, c'est un récit triste, assez déchirant car l'auteur ne s'est jamais fait d'illusions sur les possibles évolutions de ses deux fils : jamais ils ne "grandiront", ne se marieront, ne lui donneront de petits enfants... Jamais ce père ne pourra connaitre avec eux des plaisirs aussi simples que de leur faire découvrir la grande musique, se faire une toile... Recevoir un cadeau pour la fête des pères... Rien.
Certains trouveront ce récit dur, trop dur, mais au contraire, ces "moqueries" sont indéniablement teintées de tendresse, à travers laquelle suinte un amour sincère. L'auteur a juste l'honnêteté de dire que, non, avoir deux enfants handicapés n'est pas un "cadeau du ciel" comme il a pu l'entendre. Que oui, il aurait préféré qu'ils soient plus comme les autres, et pour eux, et pour lui. Le plus dur est surement de l'entendre se poser la question suivante : Est-ce que leur passage sur cette terre valait la peine ? Difficile, oui, mais en toute franchise, qui ne se la poserait pas... Ce qui gêne peut-être aussi, c'est qu'en ces périodes où l'on voudrait nous faire croire que tout le monde peut tout faire, je pense par exemple aux Jeux paralympiques et autres, ce livre rappelle que pour certains, non. Il n'y a pas d'échappatoire à cet handicap qui les coupe du reste du monde et ceci est irréversible.
En une heure de temps, ce récit m'a émue, pourtant, et c'est un gros point positif, à aucun moment ce n'est tire-larme ou versant dans le mélo. Le sujet, bien que s'y prêtant, n'a pas besoin de cela pour toucher et on a vite le sentiment que Jean-Louis Fournier a choisi d'en rire, souvent, pour éviter d'en pleurer, peut-être tout le temps.
Et cela m'a fait sourire, narquoisement parfois, tristement, souvent.
(Extrait : "Ma fille Marie a raconté à ses camarades d'école qu'elle avait deux frères handicapés. Elles n'ont pas voulu la croire. Elles lui ont dit que ce n'était pas vrai, qu'elle se vantait"
Pour se faire une idée...)