Pas pleurer
6.9
Pas pleurer

livre de Lydie Salvayre (2014)

Pourquoi pleurer ? En lisant ce livre

D’habitude très peu friand des livres primés car trop stéréotypés et convenus, j’ai eu le plaisir de recevoir le triptyque 2014 du Goncourt-Médicis-Femina par les éditions Points. Ça faisait un moment que j’avais coché sur ma liste ces trois nouvelles parutions, j’avais entendu beaucoup de bien sur Terminus radieux et sur Volodine en général que j’étais curieux. Et pour ne pas que le Volodine se sente trop seul, il fallait l’accompagner de ses frères et sœurs de Points… Une fois les livres déballés et posés sur le bureau, il ne me restait plus qu’à choisir le premier prétendant à être dévoré et décortiqué. Et c’est là que la magie du heureux hasard opère : un sentiment extatique m’a envahi lorsque j’ai refermé l’opuscule. J’avais désormais l’exacte certitude de ne pouvoir lire que quelque chose de meilleur après ça ! Le plaisir du lecteur tient à peu de choses parfois, le sentiment de n’avoir jamais lu de si indigeste, et puis soudainement ô miracle arrive une prose encore plus mauvaise.
C’est sans forcer le trait que j’écris ces quelques lignes. Ça faisait effectivement bien longtemps que je n’avais pas lu un livre aussi illisible. Tous les partis pris de Salvayre semblent tomber à l’eau, à tel point que si on lance ce livre dans un étang, il coule. Comme le lecteur face à ce Goncourt 2014. La faute à d’énormes lourdeurs stylistiques de style (pour chroniquer Salvayre, faisons du Salvayre). Tout le long du livre, nous avons affaire à un style hybride, mélange de structures littéraires et d’oralité. Mais cela ne prend pas, ça sonne creux au contraire de réveiller le lecteur, nous sommes face à une prose artefact. Pour preuve, la phrase plutôt précieuse « on m’ouït » est suivie deux-trois lignes plus loin de « faire la pute en ville ». Et ce fatras stylistique continue sur tout le roman, sans trouver une quelconque cohérence. Les phrases paraissent décousues les unes des autres, comme si chacune d’entre elles fonctionnait de manière autonome. Salvayre travaille énormément avec les sauts de ligne, de manière totalement aléatoire. « Le père pue l’alcool.
Il est sujet aux cuites.
Les cuites sont l’unique moment où les paroles lui viennent. »
C’est un assemblage, pas un texte. Passons sur les éclairs de génie tels que « je me mets à courir à toute vélocité ».
Un autre problème du texte, c’est l’omniprésence de l’espagnol. Non pas dans les dialogues, pour donner une sonorité hispanique et réelle au texte, non, des pans entiers parfois de texte sont en espagnol, sans traduction. Ce qui constitue un problème assez considérable pour tout lecteur qui, comme moi, ne comprend de l’espagnol que « sangria para todos ».
A mentionner aussi les nombreuses erreurs d’édition, où un ou plusieurs mots manquent parfois. Nous dirons que c’est pour montrer que la cohérence est physiquement absente dans ce livre.
Venons-en aux points positifs de l’ouvrage : la couverture est très jolie. Plus sérieusement, le discours rapporté de Bernanos est la principale qualité de ce Pas pleurer. Le style s’y fait plus fluide, plus franc et honnête, sans chercher un quelconque but. Idem lors de la scène où la mère est seule, l’écriture est intéressante, le récit de sa tristesse, avec recul, est aéré, et fonctionne cette fois ! Quand Salvayre n’essaie pas de placer le plus de mots littéraires dans ses phrases, on prendrait presque du plaisir à la lecture. Je terminerais cette chronique sur une citation de Salvayre, p. 200 : « …………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………… ».

qP1
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le 12 juin 2016

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