En fait, je me suis fait avoir. Je voulais au départ, ayant entendu que "Vie et Destin" était un chef d’œuvre, lire ce roman mais devant les rayonnages du libraire, je suis tombé sur cet autre pavé sur lequel était écrit "Avant vie et Destin". Et comme je suis quelqu'un parfois de discipliné, je me suis dit "autant lire celui-ci d'abord"
Gros ouvrage de Vassili Grossman qui est entre autre le premier journaliste à décrire les camps de concentration et à entrer à Berlin.
Ici, c'est une fresque concernant la bataille de Stalingrad. Il y a une multitude de personnages. (En plus, les Russes ont souvent des noms composés, parfois l'auteur utilise uniquement le nom, parfois, le prénom, parfois deux et parfois des diminutifs qui parfois n'ont rien à voir de façon évidente avec ledit prénom. Autant dire qu'il faut suivre et se reporter -cela a été mon cas- à la liste des personnages en début de roman. Liste qui ne reprend pas tous les personnages.
Nous découvrons la vie à Stalingrad puis la bataille qui y est menée.
Je dois dire que j'ai été décontenancé pour plusieurs raisons.
La première, c'est qu'il n'y a pas vraiment d'unité narrative. Les personnages sont parfois suivis, parfois non. On comprend à travers cela que le sujet est Stalingrad et que les personnages ne sont là que pour servir la ville et la bataille. Mais l'auteur abandonne parfois certains de ses personnages et cela décontenance.
Deuxièmement, Vassili Grossman qui verra son second roman-fresque "Vie et Destin" confisqué par le KGB était à l'époque porteur d'une certaine parole très patriotique. Il vante le mérite de l'homme Russe qui se bat pour "une juste cause" alors que les répressions et les purges staliniennes étaient bien installées avant la guerre. Mais c'est un homme de son temps. il devait croire lui-même aux lendemains qui chantent. D'ailleurs le roman se termine sur un des personnages récurrents, Krymov, commissaire du peuple qui arrive à Stalingrad en pleine bataille, empli d'une mission salvatrice.
Et dernièrement, dans ce combat entre deux totalitarismes mettant en œuvre des forces qui dépassent et transcendent les individus, je ne peux qu'être dérangé par la valorisation de l'homme Russe, de ses ambitions populaires et l'image que donne alors Grossman dans toute cette épopée industrielle et mortelle. Il m'a semblé par moment reconnaître une certaine œuvre de propagande (même si apparemment le roman sera critiqué par la censure)
Cependant le roman vaut le coup. Il y a de très beaux passages, très poétiques lorsqu'il traite justement de ce qui émeut dans ces moments: le sacrifice, la douleur, la mort, le deuil, la tragédie. Cela pose toujours la question de l'esthétisation de la guerre.
"Voraces, les armes automatiques ouvrirent le feu à qui mieux mieux, mais il demeura debout dans un nuage de poussière jaune pâle, et lorsqu'il disparut, ce n'était pas semble-t-il, parce qu'il s'était effondré en une masse inerte, sanglante, mais parce qu'il avait fondu dans la brume poudreuse, d'une jaune laiteux, qui s'élevait en volutes sous les rayons du soleil matinal."
Il ne reste plus qu'à lire "Vie et Destin". (et peut-être aussi ses articles lorsqu'il était correspondant de guerre