Ecrit en 1975, Salem n'est autre que, après Carrie, le deuxième roman publié de Stephen King. Fasciné de voir l'intérêt porté par ses lycéens au texte de Dracula de Bram Stocker, King décide de transposer le personnage du Comte dans l'Amérique contemporaine. Une entreprise risquée, plusieurs auteurs s'y étant déjà risqué sans grand succès... Mais King démontre, avec Salem, et ce pour la première fois de sa carrière, qu'il sait sortir son épingle du jeu. En effet, le maître de l'épouvante a choisi la voie la plus risquée, à savoir un retour aux sources, un retour au vampire traditionnel, dans la lignée du Dracula de 1897.
Résumons-nous tout d'abord : Ben Mears, écrivain natif de la petite bourgade de Jerusalem's Lot, revient dans sa ville d'origine afin d'écrire un roman centré sur une étrange maison située sur une colline du village ; sa petite particularité, son propriétaire d'origine Hubert Marsten - ayant donné son nom à la demeure - s'étant mystérieusement suicidé. La maison, abandonnée depuis, voulait faire l'objet de l'acquisition de l'écrivain, mais deux antiquaires, Straker et Barlow, l'ont devancé.
Alors, de mystérieux événements commencent à se manifester au sein de Jerusalem's Lot : le jeune Ralphie Glick disparaît mystérieusement sans laisser de trace, son frère décède victime d'une maladie inconnue, et les disparitions se multiplient. Aidé du professeur de lycée Matt Burke, au médecin Jim Cody, au père Donald Callahan et au jeune Mark Petrie, Ben Mears se rend vite compte que la bourgade est victime d'une invasion de vampires. Traquant l'antiquaire Barlow, qui se révèle être le vampire à l'origine de l'infection, plussieurs d'entre eux sont mis hors d'état de nuire, avant que Ben et Mark ne trouvent la cachette du vampire et ne le tuent.
Un an plus tard, les deux comparses, se faisant passer pour père et fils, retournent incendier Jerusalem's Lot, devenue entre-temps une ville fantôme, dans deux scène au début et à la fin du livre, d'une beauté surprenante.
Plus le récit de la chute d'une petite ville et de la populace qu'une simple histoire de vampire, Salem se montre un livre tant captivant qu'effrayant. Fidèle à son style (ou plutôt le développant), King y dépeint la corruption progressive d'une petite ville livrée à elle-même, les vampires incarnant la métaphore de sa corruption progressive et grandissante ; soit la dénonciation de l'Amérique contemporaine dont King se complaît dans la critique. Et ce avec brio, car en dépit d'un réquisitoire efficace, le roman ne sort à aucun moment de sa voie principale : effrayer. Il faut attendre avant que les premiers frissons ne se manifestent, évidemment, mais passé les cent cinquante premières pages, une constante angoisse n'en finit pas de nous tarauder durant toute la lecture de Salem : de sombres événements aux répercussions déstabilisantes, des rebondissements impressionnants et captivants, l'appréhension de tourner la page pour savoir de quelle manière cette péripétie s'achèvera... Salem est sans doute le roman le plus effrayant de Stephen King, car par une narration quasiment sans faille, l'auteur parvient à transposer avec un réalisme hors-norme une histoire fantastique, si efficacement que le vampire ne nous semble pas si irréaliste qu'il n'en a véritablement l'air...
Un coup de maître de Stephen King, qui introduit dans son univers avec un talent indubitable, par un style incontournable.
Ce livre ne saurait qu'être recommandé pour tout fan de littérature horrifique. King ne saurait être que tout indiqué pour n'importe quel fan de genre.
(Critique écrite sur Babelio, le 13/04/2015)