Dépassant la littérature purement concentrationnaire, Levi a eu le génie ici et le malheur d'écrire un livre de la sorte. Génie car, sa parole est d'autant plus renforcée par une objectivité qu'il garde constamment, ainsi nul doute n'est permis sur la barbarie nazie et malheur également , d'avoir vécu ce qu'il a écrit.
Le larmoyant n'est donc jamais là, mais c'est bien plus que vos yeux qui sont pris à partie, ce sont vos tripes, racontée de la sorte, la captivité dans les camps met en relief la valeur du véritable homme, celui qui n'est plus alors rattaché à sa condition mais qui retourne à l'état d'animal. Cet état originel de non-culture dont chacun pensait qu'il n'existerait plus jamais s'est mis à refaire surface, les accidents sur l'homme lui ont volé son essence, sa véritable nature. L'auteur dresse bien plus qu'un témoignage, mais une mise en garde. Un avertissement qu'il veut à jamais fixer en chacun de nous.
C'est donc cela, on ressort de ce livre avec un sentiment étrange teinté d'horreur, de mépris et de lâcheté concernant l'Homme. Beaucoup disent sortir de ce livre changés, j'en fais évidemment partie, mais contrairement à la majorité je pense juger ce changement d'un découlement de ce que le monde représente réellement pour nous, sans son éducation, son respect et ses codes. Au-delà de la question historique on arrive à une question bien plus massive, celle de la vie, du comment et du pourquoi de celle-ci. Je n'ai pas changé en ce qui concerne l'Histoire, je la savais horrible, mais j'ai changé mon regard sur les gens, observé telle ou telle personne retrouvant en lui soit Ziegler, soit Alex soit le Pikolo. Comment nous hommes civilisés réagirions-nous face à ce que ces gens ont vécu ? Et si le devoir de mémoire résidait dans le fait de transposer cette expérience dans notre quotidien, nous faisant dépasser bien plus l'idée originelle du livre alors , sans doute, l'humanité se porterait mieux.