Après avoir lu la dernière page du bouquin, le titre prend soudainement sens.
Si c’est un Homme.
Rarement la notion d’humanité n’aura été autant bafouée que pendant la Shoah. La haine séculaire envers le peuple juif écrivit les pages les plus sombres de notre histoire avec l’esclavage.
Longtemps les chrétiens ont considéré le peuple juif comme le déicide, celui qui aurait tué le Christ. Le monde étant majoritairement christianisé, les persécutions à l’encontre de ce peuple n’ont jamais cessé au cours de l’histoire. À plus ou moindre mesure selon les époques et les siècles, les juifs ont été bafoués, dispersés, tués. Mais le paroxysme de la haine contre les juifs vint avec la montée du nazisme et du fascisme dans les années 1930 jusqu’à la Seconde Guerre Mondiale, qui fut un théâtre sanglant d’inhumanité que l’on nomme la Shoah, le génocide juif.
Dans ce livre, Primo Levi, juif italien, raconte son expérience de déporté dans le camp de concentration de Monowitz (à quelques encablures du tristement célèbre Auschwitz). Il l’écrit en tant que spectateur et non en tant que victime, jamais dans son récit on ne peut déceler une quelconque haine à l’encontre de ses bourreaux. Il se place comme un être pris contre son gré dans une expérience scientifique atroce. Ce qui est d’autant plus troublant c’est qu’à aucun moment les sentiments prennent le dessus, il retranscrit fidèlement l’essence du camp de concentration, son expérience propre sans vanité ni superflu.
L’image qu’on avait des camps de concentrations avant de lire ce livre était déjà abjecte mais on pensait tout de même qu’à l’intérieur, les détenus livrés au malheur, à l’injustice, à la faim, à la torture et à l’arbitraire, étaient solidaires entre eux. Il s’avère que c’est tout le contraire, la loi dans le camp est qu’il n’y en a aucune :
« Mange ton pain et si tu peux celui de ton voisin. »
Levi raconte qu’un détenu doit compter sur la chance, les coups bas, l’ingéniosité pour s’en sortir. Même avec ces ingrédients, personne n’est sur de sortir de ce microcosme diabolique où le temps paraît figé, où la faim et le froid tenaillent sans arrêt tandis que les plaies et les blessures sont continuelles et odieuses.
Le camp est semblable à une bulle, aucune interaction avec le reste du monde n’est permise ni tolérée. Cela n’empêche pas que les aléas extérieurs jouent sur les économies parallèles du camp car malgré la rudesse de la vie, les détenus réussissent à se procurer des objets grâce à des civils travaillant avec eux sur les chantiers ou même grâce à certains allemands du camp. Une vraie « bourse » s’est mise en place et le troc est de mise pour réussir à survivre et à se faire respecter.
L’homme du camp n’est assujetti à aucune pression de la société, sociale, il est dans son état le plus originel, cravachant pour sa survie sans se soucier de celle de son voisin tout simplement car il n’en a plus les forces. Les crânes rasés, les chemises rayées, les numéros tatoués sur les bras, finissent de les déshumaniser. Ce sont des « hommes » condamnés ayant pour but de survivre un jour, une semaine, un mois de plus.
Ce livre est un must-read, il relate à notre génération et à celles futures des monstruosités qui ne doivent jamais tomber dans l’oubli. Primo Levi disait à propos de l’horreur des camps :
"La comprendre est impossible, la connaître est nécessaire, ce qui est arrivé une fois peut recommencer."
Le devoir de mémoire est inhérent à notre génération.