Ce chien me réapprend à lire le vivant autour, à écouter les musiques de la nature, ses amplitudes, ses respirations, à mesurer ses états, à déchiffrer ses codes. L'ai-je su un jour ? Si la vie m'a démontré que, pour connaître un paysage, rien n'est plus fidèle que l'éprouver par le corps, à la longue, humble et en toute saison, Ubac me dit autre chose encore, qu'il faut en être, faire corps et ne pas craindre qu'il nous traverse.
Dans le vol Nice-Paris, l'hôtesse me tend une serviette en papier pour éponger mes yeux. Mon voisin m'interroge sur cette tristesse qui m'inonde, me gratifiant au passage d'une citation qui me fait sourire ("Les larmes sont à l'âme ce que le savon est au corps"). Je ne suis qu'à la préface mais déjà la machine lacrymale tourne à plein régime. Folle amoureuse des chiens, je me doutais que je n'allais pas pouvoir résister longtemps à ce texte. Vers la fin, de retour chez moi, je dois reposer le livre pour laisser éclater les pleurs tout leur saoul, je ne parviens plus à lire ("Je te touche, t'enlace, t'ébouriffe, tu es encore là. Tu sens toi.") Et, rien qu'à écrire ces lignes, à nouveau, je sens l'eau poindre sous les paupières.
Qui de la viande ou de l'âme fait un être ? Comparé au reste, au vaste, le corps c'est finalement peu de chose, mais il manquerait le mouvement et sans lui rien ne ressemble à la vie.
La suite sur mon site :
https://anaislefaucheux.com/son-odeur-apres-la-pluie-2023-cedric-sapin-defour/