J'ai eu l'occasion de dire, avec Blind Lake, que Robert Charles Wilson est un grand écrivain de science-fiction. Avec Spin, je vais continuer.
En effet, ce récit tout à fait wilsonien est bien bonne histoire de SF, mêlant éléments scientifiques plutôt solides et fiction passionnante mettant en scène des personnages attachants.
Spin, c'est d'abord le Spin, ce phénomène que les habitants de la Terre auront bien du mal à comprendre, qui englobe la planète, dissimulant les étoiles, la Lune et, surtout, ralentissant le cours du temps. Tandis que les années s'écoulent sur Terre, le reste de l'univers vit des millénaires. Qui a placé le Spin autour de la planète bleue ? Pourquoi ? Les réponses à ces questions, Robert Charles Wilson, qui n'est pas du genre à laisser ses lecteurs sans explications, les fournit à la fin du livre. L'auteur canadien a un talon d'Achille : donner une explication raisonnée et convaincante aux éléments fantastiques de ses romans dans leurs conclusions. Avec Spin, RCW réussit admirablement à vaincre cette faiblesse. Ce qu'est le Spin, expliqué par Wilson, tient debout. C'est déjà un premier bon point.
Un roman de Robert Charles Wilson, ce sont aussi des personnages que l'auteur fait vivre avec soin. Dans Spin, le narrateur est Tyler Dupree, médecin et ami d'enfance de Jason et Diane Lawton. Le premier va devenir dirigeant de Périhélie, la fondation qui étudie le Spin. Quant à sa sœur, c'est une « victime » du basculement d'une partie de la génération Spin dans le mysticisme extrême. Tous deux sont les fils d'E.D. Lawton, industriel ambitieux surfant dans les hautes sphères de la politique américaine. RCW raconte la vie de Tyler Dupree, et à travers celle-ci, celles de Jason et Diane, qui s'entrecroisent irrégulièrement. Le récit commence la nuit où le Spin est apparu. Les vies des personnages sont évidemment peu banales, ne serait-ce qu'en raison des événements sidérants décrits dans Spin, mais elles paraissent authentiques. Une nouvelle fois, Wilson livre un récit dont les personnages sont le centre et où les éléments scientifiques ne sont presque que des prétextes pour placer les protagonistes dans des situations où ils devront faire des choix humains – voire cornelliens – pour échapper à la tourmente. Et l'auteur brille à ce jeu.
Enfin, il y a l'histoire en elle-même. Juste passionnante, dirons-nous. On dévore littéralement les cinq cent cinquante pages du roman, notamment parce que l'écriture de Wilson est agréable à parcourir. Le récit, divisé en deux trames distinctes tout d'abord, mais qui se relient finalement, permet d'appâter le lecteur tout au long du roman. On navigue ainsi entre une progression historique depuis l'enfance des personnages jusqu'au temps présent pour le narrateur, c'est-à-dire l'année 4 puissance 9 après J.C. Construction de récit pas particulièrement originale mais qui n'est pas sans une certaine efficacité, même s'il n'en fallait peut-être pas tant pour passionner le lecteur qui accroche sans problème à la narration de Tyler Dupree, à son évolution et à celles de ses amis, ainsi qu'au destin incertain de la Terre... et de Mars.
Spin est un roman de SF incontournable, dont la qualité justifie et explique la réussite commerciale – pour une collection comme Lunes d'Encre.
Robert Charles Wilson c'est bon, lisez-en ! En plus, on peut demander du rab avec Axis, suite de Spin sortie dernièrement.