Les livres les plus courts sont parfois les plus frustrants, surtout quand ils sont bons, évidemment. Ce n'est pas le cas de Térébenthine de Carole Fives, qui est excellent, et où la romancière semble avoir fait le tour de son sujet, au point même qu'y ajouter d'autres chapitres aurait semblé superfétatoire. L'impression est d'autant plus forte que Carole Fives est l'une des protagonistes (et la narratrice) de l'histoire qu'elle raconte et qui commence au Musée des Beaux-Arts de Lille. Le récit, centré sur trois étudiants, est une peinture intérieure saisissante d'un enseignement où l'on encourage les installations et les projets conceptuels plutôt que la réalisation de "vulgaires" tableaux, à partir du postulat que "la peinture est morte." Voir comment les personnages de Térébenthine se dépatouillent avec ce dogme, cherchant une voie personnelle, sans pour autant aller à l'encontre du marché de l'art qu'ils lorgnent et préserver leur avenir, constitue une trame initiatique excitante que Carole Fives complète avec certains extraits de cours qui montrent à la fois la morgue des professeurs (et incidemment le machisme de certains) et nous informent de façon intelligente sur les courants artistiques modernes. C'est passionnant car écrit d'une plume souple et vive avec des phrases brèves et rythmées. Le livre raconte aussi une belle histoire d'amitié et une idylle amoureuse inachevée, avec des mots simples et efficaces. Le dispositif peut sembler minimaliste mais le talent d'évocation de la romancière, allié à une sincérité indéniable, confèrent au roman une vérité et une émotion qui prennent vie sur la toile, pardon, dans ses lignes.