Ce roman, d’une obscurité macabre est construit en deux parties qui se répondent chapitre après chapitre, chacune narrée à la première personne du singulier : d’un côté, nous suivons Grey depuis son arrivée à Tokyo jusqu’au dénouement de ses recherches ; de l’autre, nous explorons les « Mémoires » de Shi Chongming, depuis la veille de la prise de Nanking par l’armée japonaise jusqu’à sa fuite inéluctable. Qu’importe l’époque, les événements que nous suivons sont emprunts de violence et de sadisme. Autant vous le dire tout de suite, cette lecture est loin d’être une partie de plaisir !
A première vue, je ne pense pas que je me serais intéressée à ce roman. Le quatrième de couverture, trop axée sur le présent, ne m’aurait pas accrochée. Je connaissais Mo Hayder de nom mais jamais, jusqu’à présent, elle n’avait réussi à me convaincre lors de nos rencontres en librairie. Cependant, lors de notre cercle de lecture, S. en a parlé avec tellement de passion que je n’ai pu résister à l’envie de lui emprunter !
Ce qui me plaisait dans ce roman, et ce qui m’a justement décidée dans la description de S., c’est son ancrage historique. L’auteure s’est inspirée de documents existants pour nous narrer une époque peu glorieuse, tant pour la Chine que le Japon, qui n’obtient que rarement la place qu’elle mérite dans les livres d’Histoire. En cause ? Certainement le déni du Japon face aux exactions commises par son armée. Car Tokyo nous raconte la prise de Nanking, alors capitale de l’Empire chinois, pendant laquelle l’armée japonaise s’est véritablement déchaînée sur la population civile, faisant des milliers de morts.
Par contre, j’ai éprouvé nettement plus de difficultés à m’intéresser à la partie qui concernait Grey. Je n’ai d’ailleurs pas hésité à sauter quelques passages pour avancer dans le récit, qui connait quelques longueurs. En effet, il est presque impossible de s’identifier à Grey, pas plus qu’aux quelques personnes qui l’entourent dans son épopée nippone. La jeune fille travaille comme hôtesse dans un club pour riches japonais ; ce qui consiste à divertir le client et à lui servir de bonniche. Rien de sexuel dans leurs relations, contrairement à ce qu’on pourrait croire au premier abord. Pourtant, le sexe est omniprésent dans la vie de Grey car, en dehors de l’objet de ses recherches, c’est son principal centre d’intérêt. Son rapport à elle-même et aux autres est totalement biaisé par son absence de contact avec le monde extérieur durant une grande partie de son enfance. Cela la rend donc particulièrement naïve dans certains domaines.
Comme vous le lisez, il n’y a rien de bien réjouissant dans cette lecture. Néanmoins, malgré les quelques longueurs déjà citées, je me suis sentie obligée de terminer ce roman. Non pas par une quelconque obligation morale envers la personne qui me l’a prêté mais parce que Mo Hayder sait maintenir l’intérêt de son lecteur, lui distillant peu à peu les bribes d’information qui vont lui permettre de se construire lui-même une idée de ce que les protagonistes vont trouver sur leur chemin. Puis elle parvient à lui asséner la scène finale, bien pire encore que tout ce qu’il aurait pu imaginer !
Un thriller captivant donc, qui m’a permis de découvrir un autre pan de l’Histoire que je ne connaissais pas [décidément, mes profs d’Histoire ont du souci à se faire, j’aurais finalement appris davantage de choses par le biais de mes romans que par celui de leurs cours] mais que je déconseille tout de même aux personnes trop sensibles !