Ah, Pierre Lemaître... Je pourrais écrire très longuement sur cet auteur qui me fascine depuis que je l'ai découvert il y a de cela un peu plus de deux ans. « Travail soigné » est son premier roman, qui n'avait d'ailleurs jamais failli voir le jour : quelle perte cela eut été. Au-delà d'une maîtrise formelle et d'un don pour saisir les êtres humains dans ce qu'ils ont de plus profond comme de plus sombre (qualité constante depuis), il y a un plaisir des mots, des phrases qui claquent, parfaitement adapté à la noirceur assez absolue qui règne ici, qui pourrait presque faire passer James Ellroy pour la Bibliothèque verte (OK, j'exagère un peu).
Souvent imprévisible voire cruel, le futur auteur d' « Au revoir là-haut » n'hésite pas à malmener ses personnages (dont certains mémorables), à multiplier les fausses pistes, mais toujours en gardant le fil et en ne perdant jamais de vue ce qu'il cherche à proposer au lecteur. Avec en prime un bel hommage au polar de toute époque (et à la littérature en général), avec l'un des « cliffhangers » les plus dingues que j'ai pu lire récemment : impossible d'écrire plus sans vous gâcher la surprise. Alors c'est vrai que, comme souvent chez cet écrivain, il y a quelques longueurs, mais j'en viens à me demander si ce n'est pas une frustration créée volontairement afin de donner envie d'aller toujours plus vite dans le récit jusqu'aux « vraies » révélations, souvent à vous glacer le sang. Et tant pis si j'ai trouvé la fin presque expédiée, l'essentiel est dit. Une grosse claque, une de plus dans la carrière de cet écrivain décidément hors-norme.