Tropique du Cancer n'est pas un livre qui se lit mais qui se vit.
Henry Miller - qui bénéficie d'une excellente traduction de la part de Paul River - accroche, surprend et capte l'attention dès la première ligne. Direct. Cash. Familier. Trop peut-être pour certains. Le roman autobiographique percute et saisit en un instant le lecteur.
Tropique du Cancer nous fait passer par tous les états à travers les aventures rocambolesques, burlesques et farfelues d'Henry Miller dans un Paris où vices et sévices ne semblent plus avoir de secrets pour l'écrivain. Sexe, alcool, délires vous emportent et vous liquéfient littéralement à travers des descriptions made in Miller. Potache. Cru. Choquant. Drôle. Impossible de rester indifférent.
On passe très facilement et de manière déconcertante de la fascination au plaisir coupable, rapidement éclipsés quelques pages plus loin au profit de l'envie et finalement de la raison. Puis ça recommence, tel un cercle (savoureusement) vicieux. L'auteur touche au cœur des fantasmes à travers une notion : braver l'Interdit. Personne n'est Henry Miller cependant tout le monde souhaite secrètement vivre la vie d'Henry Miller. Le vagabond magnifique, toujours fourré dans un bon (ou un mauvais) coup, se téléportant aisément d'un soir à l'autre d'un deux pièces miteux au standing d'un hôtel de luxe.
Henry Miller a beau user d'un vocabulaire léger, il le fait intelligemment. Réduire Tropique du Cancer à une oeuvre littéraire polémique voire trash diminuerait considérablement toute l'essence de ce roman. L'auteur américain s'approprie le monde en récitant méticuleusement et dans les moindres détails ses diverses rencontres : internationales, éclectiques et multi-culturelles. Les dernières pages du livre démontrent par ailleurs que notre héros semblait avoir besoin de cette existence de dépravé pour (peut-être ?) repartir vers un renouveau. Le sexe (entre autre - puisqu'il ne s'agit pas du seul sujet à retenir), qu'il soit passionné, bestial ou désintéressé agit comme un acte libérateur, une ouverture aux quatre coins du monde et surtout comme un geste artistique du quotidien. Ne serait-ce que pour cela, il n'est pas honteux de clamer haut et fort son amour pour ce livre, il n'y a rien d'infâme à vouloir goûter la vie.
Les passionnés de Tropique du Cancer sont inhumains pour reprendre l'auteur. Lui qui pensait que le but le plus élevé des hommes étaient d'être humain, rien ne pouvait être pire que cela pour se diriger vers l'auto-destruction. Autrement dit, il faut dépasser sa condition de soi au quotidien. Etre inhumain, c'est être fier d'appartenir ni aux hommes ni aux gouvernements, de s'écarter des croyances ou des principes. Fermés d'esprit et détracteurs peuvent donc continuer à qualifier les adorateurs de ce monument de la littérature de pervers, néanmoins, suggérez-leur le terme inhumain, car c'est ce que nous sommes !
Tropique du Cancer est une véritable leçon de vie.