Un roman russe par Tempuslegendae
A-t-on le droit de tout écrire ou commenter? Presque, à condition que nos idées s'accompagnent d'un esprit irréprochable, nanties du plus profond respect envers autrui. La condition est remplie, j'en suis assuré.
Pourquoi une telle entrée en matière, un besoin si prompt de défendre ce qui doit l'être? Parce que je m'apprête à parler une nouvelle fois de CARRERE, un écrivain hors norme, et de son «roman russe», mais je veux le faire d'une façon différente de celle déjà commentée par mes soins, tentant de replacer l'histoire sous un angle inédit, peut-être celui voulu par son auteur, en guise d'impression.
CARRERE n'a rien demandé; ce jour-là, il était en état d'urgence, pour écrire, écrire une longue lettre. Voici le courrier qu'il a rédigé à l'attention de Sophie, la femme qu'il aime, une lettre teintée d'un érotisme enflammée que cette dernière a parcourue dans le TGV, car insérée dans un quotidien dont il savait qu'elle l'achèterait et le lirait bien calée dans son fauteuil en tissu rouge.
http://medias.lemonde.fr/medias/pdf_obj/nouvelle2.pdf
Évidemment, chacun pensera et ressentira ce qu'il voudra après la lecture de ceci. Tout de même, avez-vous pris soin de transposer la lettre dans le cadre de l'histoire, celui exigé par l'auteur?
«Un roman russe» est un livre essentiel qui replace l'autobiographie au cœur de la littérature contemporaine, où l'auteur ne se cache pas, où il ne ment pas, ni ne se fait valoir. Il est vrai qu'Emmanuel CARRERE était fatigué d'écrire des histoires effroyables, de folie et d'enfermement (L'Adversaire). Avec cette œuvre, on sent un écrivain renaître d'un tourbillon dont il a peine à maitriser, Son écriture est à la fois fiévreuse et tenue, troublante et précise. La fureur est là pour pouvoir anticiper des révélations inattendues. Il est bien clair que Sophie a fait de lui un homme qu'il déteste. Son orgueil est bafoué. Il a ce «sourire affreux» qu'elle lui reproche souvent, il le gardera jusqu'à ce qu'il rencontre Hélène.
Á l'instar de «L'Adversaire», l'écriture de ce livre est extrêmement douloureuse.
Je le répète, le voyeurisme et la vulgarité n'ont aucun droit de cité dans cette biographie, seulement l'art d'écrire, de traduire, et ici, celui d'exprimer des sentiments dans un cadre très littéraire.
Il y a des écrivains qui accouchent dans la douleur. Emmanuel CARRERE en ferait-il partie?