"Tous deux frémissaient dans l'attente de l'étreinte passionnée dont ils se reprendraient, ils ne savaient plus où, quelque part, une nuit. Et Hélène, hantée de ce désir, n'existait désormais plus que pour cette minute-là, indifférente aux autres, passant ses journées à l'espérer, très heureuse et ayant seulement dans son bonheur la sensation inquiète que Jeanne toussait autour d'elle."
Ce paragraphe résume à lui seul "Une page d'amour" de Zola (1879): une passion amoureuse subtilement décrite (Éros) avec, en arrière-plan, l'agonie d'une enfant de onze ans (Thanatos), le tout servi par une plume très emblématique du naturalisme/réalisme de l'époque (qui m'a beaucoup rappelé Maupassant).
Dans le Paris de 1870, Zola nous campe une belle Hélène vertueuse, veuve dévouée à sa fille unique très malade, et qui va rencontrer un médecin marié qui va tomber profondément amoureux d'elle.. Et comme l'amour est contagieux, la jolie prude s'éprendra elle aussi (schéma classique de "L'homme propose, la femme dispose" et de la bataille passion VS morale), faisant naître la jalousie de sa propre fille.
Documentaire précieux d'un temps où les enfants pouvaient mourir dans leur lit, possible lecture psychanalytique du "couple" mère/fille dans lequel ne saurait entrer sans dommage le moindre tiers séparateur, fine description des mouvements du cœur amoureux et paysage parisien d'époque : telle est cette "page d'amour" qui m'a beaucoup émue (mais moins séduite que "Le Rêve"!).
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