Bien, récapitulons : il lui éjacule dans les fesses, ce qui l'oblige à marcher en canard jusqu'à la salle de bains pour éviter que le sperme ne coule sur ses mollets. Mais comment a-t-il fait si elle était sur le dos ? Quelque chose ne va pas, on a du rater un passage important. Retour arrière, il lui soupèse le sein gauche qu'il trouve plus beau, insère deux doigts dans son vagin en lui demandant de dire merci papa. Lui dit de se mettre tête bêche. D'accord, ça doit être par là. Elle est orientée vers la fenêtre, ses fesses vers la porte, elle est à quatre pattes, lui est assis... non, ça ne va pas. Il faudrait une carte pour se répérer dans cette ignoble et bordélique géographie des corps décrite par Angot, où dans des paragraphes sans fin s'enchevêtrent les membres autant que les mots, avec un glauque égal pour les uns et les autres. On peut déjà reconnaître à l'auteure une fidélité jusqu-au-boutiste à son sujet : la démonstration de l'atrocité, l'absence de concession en sont les principaux leitmotivs. Cette semaine de vacances se déroule dans un mouvement unique, est construite en une froide chronologie qui se caractérise par l'absence de respiration. Cette apnée est malheureusement à double tranchant, Angot en choisissant de se concentrer uniquement sur la description tend vers une froideur clinique qui finit par essoufler le propos. Car il ne s'agit, en effet, quasiment que de ça : des viols, par le menu, dans les moindres détails. On pense vaguement à une version textuelle de la scène idoine du film « Irréversible », l'aspect incestueux en plus. On dit bien textuelle, pas littéraire : le style d'Angot est si froid qu'il n'appelle aucun plaisir de lecture.

C'est quelque part un porno dégueulasse, écrit pour susciter le dégoût, mais un porno tellement dégueulasse, tellement sordide, que le dégoût laisse place à l'ennui ; que l'absence totale de point de vue finit par sincèrement emmerder. Il aurait été intéressant, au hasard, de questionner la psychologie des personnages, de sortir de leur bulle pour voir leur rapport au monde extérieur, mais Angot ne daigne ne nous en offrir que des bribes, préférant laisser macérer père et fille dans l'acte sexuel pendant la quasi-totalité du récit. Il aurait été, enfin, encore plus intéressant de se pencher sur le rapport du lecteur à ces scènes pornographiques, de le provoquer en jouant avec sa morale : ce n'est pas non plus le cas, l'auteure par son style aride interdisant tout malentendu délicat. La démarche est sans compromis, mais paradoxalement manque d'un courage, d'une hauteur de vue qui permettrait de quitter la lecture avec le sentiment d'avoir vécu ou appris. C'est un livre kamikaze mais pas forcément noble : on y questionne bien peu, on fonce tête baissée dans le sujet comme pour mieux l'éviter, l'ammoncellement de détails sordides épuise au point de neutraliser toute pensée critique. Le plus dommage, c'est que ce n'est pas un mauvais livre non plus : en dépit de sa froideur il est bien écrit, sa cohérence, cet aspect ultra-resserré lui donnent une identité certaine qui le sauvent in extremis. En de brefs instants, on devine les personnages derrière leurs actes : c'est ce qui empêche de lâcher le texte, qu'on considérera comme un exercice de style plus que comme un roman, par ailleurs peut-être un peu trop court pour être considéré comme tel – et ce n'est pas plus mal.
boulingrin87
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le 22 oct. 2012

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Seb C.

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