Il y a un moment que je veux découvrir Marcel Schwob, compagnon littéraire d’Alfred Jarry, Paul Valéry ou André Gide, mort avant ses quarante ans et inspirateur avec ses Vies imaginaires de textes de Borges, Michon ou Quignard.
Les « Vies » de personnages illustres, et plus tard de saints, sont un genre littéraire en soi : dans de lointains souvenirs de cours de latin, j’ai dû entrevoir les Vies des douze César de Suétone ou les Vies parallèles de Plutarque. Mais Marcel Schwob récuse dès la préface ces modèles, dans lesquels le biographe fait seulement ouvre d’historien. Pour lui, l’art du biographe doit « donner autant de prix à la vie d’un pauvre acteur qu’à la vie de Shakespeare », et « raconter avec le même souci les expériences uniques des hommes, qu’ils aient été divins, médiocres ou criminels. »
Les Vies Imaginaires mêlent donc tous types de personnages - philosophes, peintres, meurtriers, moines, esclaves - dont l’existence est plus ou moins documentée selon les cas : Schwob, avec une grande érudition et sans complexe, comble les trous si nécessaire, voire invente au besoin un personnage ou deux. Inutile d’essayer de démêler le vrai du faux : tout l’intérêt est de se laisser happer par cette suite d’histoires volontiers grandioses qui parlent de création, de foi, de sacrifice, de la puissance des contes, le tout dans une langue qui ferait passer ces 22 récits d’une poignée de pages pour de petits poèmes en prose.
A la fin, on ne peut tout de même pas s’empêcher d’ouvrir Wikipedia pour savoir si le peintre Paolo Uccello a réellement été tué par sa recherche d’absolue perfection, ou si Erostrate, l’incendiaire du temple d’Artémis, a réellement eu une enfance malheureuse.