C'est l'histoire d'un petit garçon dont le jeu préféré était d'aimer sa femme. Un jour, on lui a enlevé ce jeu avant même qu'il y ait fait une trace d'usure, avant même qu'il ait pu en profiter. Ce petit garçon voit sur ses épaules tomber le poids de l'âge adulte, et revendique pourtant le droit de jouir encore de ses rêves, du bonheur qui l'emplissait il n'y a pas si longtemps, le droit de pouvoir être triste quand on attend de lui qu'il grandisse, mûrisse et s'endurcisse. Alors il a écrit un livre pour dire à quel point son jeu lui manque, à quel point la déchirure qu'il a ressentie quand on le lui a enlevé sonne comme une sentence tout à fait injuste. La frustration n'est adouci que par l'intense bonheur qu'il a vécu pendant le peu de temps qu'on lui a laissé. On imagine un petit garçon, les yeux rougis et le regard déterminé par une tristesse définitive qui cherche à prendre de grandes bouffées d'un air qu'on ne lui accorde pas tant il semble déchiré par l'envie de se rouler en boule, son fils contre lui, dans un cocon dont l'air est rempli de l'odeur encore vive de sa femme, et le besoin de se raconter, pour son fils et pour le souvenir de celle qu'il a tant aimée.
Rares sont les livres pour lesquels j'ai autant pleuré, qui m'ont apporté une tristesse si immense avec des mots aussi beaux. C'est une poésie en prose, un roman d'amour avant tout, un petit essai sur la détermination d'un amour qui ne s'envolera jamais. Le livre brise le cœur et le ravive en même temps. Il est un aperçu de cette petite bulle fragile qu'Antoine Leiris tente de préserver et que nos regards, nos paroles atteignent trop. On ne compatit presque pas à la fin, tant cette compassion a l'air déplacé et minuscule face à la déchirure qu'il écrit. Je ne peux que le conseiller, ne serait-ce que pour ré-apprendre à aimer plus fort ce que l'on a encore, par chance, à portée de main.