La forme et le fond
Comme le sous-titre ("Essai pour tout reconstruire") le laissait penser, ce livre ne manque pas d'ambitions. Si vous cherchez un paradigme neuf pour penser une nouvelle organisation de la société, ce...
Par
le 5 mai 2019
3 j'aime
Politique
Notion polysémique, la politique recouvre : la politique en son sens plus large, celui de civilité ou Politikos, désigne ce qui est relatif à l'organisation ou autogestion d'une cité ou d'un État et à l'exercice du pouvoir dans une société organisée.
Je me suis intéressé à Emmanuel Dockès à travers un entretien vidéo sur la chaîne Youtube d’Elucid, média que je vous recommande chaudement.
Ce professeur d’université spécialiste en droit m’as vraiment donné envie de creuser son concept de misarchie, un système qui par essence tend vers une réduction des pouvoirs et des dominations.
Voyage en misarchie est donc un roman-essai, ce qui le rend assez léger à lire. Une bonne façon de me remettre dans le roman, moi qui préfère les essais.
Pour faire très court, c’est l’histoire de Sébastien, prof de droit français qui par erreur après un crash d’avion se retrouve dans un pays fictif appelé Arcanie. Sébastien va donc apprendre à connaître son système dans un tas de situations auquel il sera confronté.
Évidemment on remarque tout de suite que l’auteur n’est pas romancier. La narration n’est qu’un prétexte pour exposer tout les concepts intéressants de ce livre.
Vous pourrez par exemple trouver le personnage principal un peu trop borné, même sur le droit, ce qui, pour un soi-disant professeur me choque un peu. Le professeur est de mémoire, un trentenaire bien rangé, ce qui est assez agaçant. Je pense clairement que l’auteur a appuyé ce trait pour faire ressurgir le coté archaïque de la mentalité française. Les arcaniens méprisent assez fort les autres systèmes et méconnaissent fortement le monde extérieur. Cela nous amène à des situations où on se sent hyper arriéré, ça fonctionne bien.
Toutefois, on a l’impression que ce système leur est venu tout cuit, que la misarchie était une évidence et qu’il serait si simple d’y venir. Si le système est apparemment ancré depuis plus de 40-50 ans chez eux, ces comportements sont explicables, en effet, mais ils m’ont sorti du récit de temps à autre.
Il y a aussi quelques passages sur la sexualité très ouverte des arcaniens, je ne sais pas trop où notre cher Emmanuel veut nous emmener, mais c’est très drôle.
Enfin la liaison avec un personnage secondaire, la jeune Clisthène, est très insistante, en plus d’être assez maladroite. Ça fait vraiment roman pour ado pour le coup.
En revanche le livre est accessible à tous, sans grand pré-requis en matière de droit, de politique et d’économie. Le livre se charge justement d’expliquer par l’intermédiaire des protagonistes, le droit misarchiste, en opposition avec le système français, sous Macron 1er.
Le livre vaut donc le coup d’œil pour ses idées novatrices en matière de système bancaire complètement dématérialisé, de propriété fondante, de statut d’entreprise / association de travailleurs, d’éducation, de droit évidemment et plus encore.
Le tout est très digeste, je n’en dis pas plus, il faut vous renseigner sur ses idées. Car s’il est bien question d’utopie spectaculaire dans ce livre, le système se veut hyper-crédible et absolument pas délirant. C’est clairement la force du livre.
Là où il faudrait approfondir, c’est sur les limites technologiques et physiques de ce système, notamment le système bancaire. La misarchie rend-elle un « pays » fragile ?
Leur système informatisé et basé sur de la techno blockchain est-elle viable sur le long terme ? Quels besoins en énergie tout cela nécessite-il ? En cas de pénurie d’électricité, le système tombe à genou, le nôtre aussi, me direz-vous. Mais justement c’est un pas de plus vers la dépendance énergétique : est-ce souhaitable ?
Bref voici selon moi une des idées qui pourrait faire débat. Les mesures relevant uniquement du droit sans les contraintes technologiques ne tiennent qu’à notre volonté de les appliquer.
En résumé c’est un bel ouvrage d’introduction sur la lutte contre les inégalités, moderne et assez réaliste. Une source d’inspiration à minima, qui me donne envie de creuser sur un sujet, qui nous concerne tous : la politique.
Créée
le 4 mars 2023
Critique lue 36 fois
D'autres avis sur Voyage en misarchie
Comme le sous-titre ("Essai pour tout reconstruire") le laissait penser, ce livre ne manque pas d'ambitions. Si vous cherchez un paradigme neuf pour penser une nouvelle organisation de la société, ce...
Par
le 5 mai 2019
3 j'aime
Écrit par un juriste, l'auteur concilie en une idéologie le principe de liberté avec un code juridique. Il y détail avec précision ce que pourraient être des entreprises, des associations, le système...
le 24 sept. 2019
1 j'aime
De belles idées, qui prennent forme dans un ensemble normatif et institutionnel captivant. Mais le style romanesque gâche un peu la chose. L'entre-deux n'est pas réussi.
le 5 févr. 2024
Du même critique
Qu’est-ce donc que cette œuvre au style et au récit si simples et si purs, mais qui pourtant nous engloutit dans sa profonde réflexion, selon le rythme si particulier des mouvements de la conscience...
le 11 août 2022
2 j'aime
La traduction de Mario Meunier est de qualité : simple et accessible, on y trouve une préface pour situer l'empereur Marc Aurèle, des notes bien utiles et un index pour classer les pensées par thème...
le 24 janv. 2023
1 j'aime
[Vu sur Mubi]En 2019 les personnes trans sont peut-être encore une minorité très stéréotypé par la société. Le problème c’est que ce court-métrage participe pour ma part à étiqueter ces personnes en...
le 10 sept. 2022
1 j'aime