Comme dans son génial précédent roman, Feu (Fayard, 2021), Maria Pourchet s'attaque à l'un des sujets les plus contemporains et essentiels qui soient : l'amour hétérosexuel et les relations homme-femme. Dans Feu, c'était l'adultère ; ici, la rencontre. Rencontre entre Aurore, une femme cabossée par la vie, comme on dit, dont on découvre la finalement banale socialisation genrée adolescente, et Alexis, acteur fameux en cavale, Dom Juan merdeux, vieux mâle lui aussi banal, repoussant la mort par la séduction de filles plus jeunes.
Tout est tristement banal, un peu nul ("même l'adultère il est nul" avait dit Olivia de Lamberterie au Masque sur Feu, de mémoire), et c'est là la force de Maria Pourchet : écrire cette apparente banalité du mal(âle) est un acte politique - il est toujours bon d'inscrire dans l'éternité de la littérature les comportements machos toxiques et les abus de position ; par cette autrice, c'est littéraire. Son écriture est fluide, elle s'amuse de ses personnages, en embuscade. L'humour est froid, le sarcasme précis. La métaphore de "l'écriture au lance-flammes" fonctionnait pour le précédent romain, Western est beaucoup plus sec, minéral, sans perdre en puissance.
- C'était quoi la phrase de trop ?
On ne fait pas un dictionnaire des citations machistes. On devrait peut-être, mais pas ce soir. (125)
Peut-on encore tomber amoureuse d'un homme en 2023 ? Comment écrire l'amour et la séduction sans tomber dans la prédation ? Comment (d)écrire la relation amoureuse autrement ? Ce livre est présenté comme un roman majeur de la rentrée littéraire, et ce n'est pas pour rien.