Plus j'y pense, plus je crois que je ne poserai jamais mon cul au paradis.
C'est trop con.
On n'a que ce qu'on mérite tu me diras, et t'aurais pas tort.
Mais quand même, j'aurais bien aimé goûter un peu à ça, jouer de la harpe toute la journée dans mon drap blanc immaculé, sans slip et courir tout le temps, en faisant donc une totale confiance dans l'élasticité de la peau de mes bourses, un putain de sourire aux lèvres.
Heureux comme un connard d'ange.
Sans personne pour me dire "Qu'est-ce tu fous, t'as pas honte ? C'est quoi, cette tenue ? Et, mais attends, mais t'as pas de slip...!"
Ouais, plus j'y pense, plus je suis sûr que je ne poserai jamais mon cul au paradis.
C'est un constat en quelques sorte.
Ou alors, en falche.
Attendre que Saint-Pierre aille pisser un coup, jeter un œil à droite, puis à gauche et en profiter pour me faufiler sans faire de bruit et, surtout, quand je serai dans la place, ne pas me faire remarquer. Profil bas, pas un mot plus haut que l'autre.
M 'enrouler dans un drap, essayer de chourave une harpe à un qu'aura eu la chance d'avoir le visa sans faire couler le sang et y aller de mes arpèges. Discrètement opérer ma fameuse prise du sommeil sur un résident pas trop vif.
Ça doit faire mal, «The Wind Cries Mary» à la harpe, non ? Purée de moi, soudain j'y pense, mais faut que je trouve un gaucher... A noter : piquer la harpe de Hendrix, pas celle de Cobain. Enfin si je ne veux pas passer quinze heures à l'accorder.
Mais surtout me faire aussi discret qu'un communiste à la Fête de l'Huma.
Je suis à peu près certain qu'il n'y a pas de flics au paradis alors si je me laisse pousser une belle paire de moustaches et que je ne fais pas trop de vagues, même Dieu ne me reconnaîtra pas.
Ça doit être chouette de rien avoir d'autre à foutre que rien du tout. Glander, regarder l'heure et me dire "Oh sa race, faut que je me magne la rondelle sinon je vais être en retard pour... glander, regarder l'heure..." enfin tu vois le concept.
Un jour sans fin pour l'éternité.
Je me demande s'il y en a quand même qui font la gueule là-haut.
Je sais pas, les hyperactifs, les patrons, les mecs qui publient une critique par jour, les anciens, ceux qu'étaient là avant les autres et qui voient d'un mauvais œil l'arrivée des nouveaux.
Comme en bas, quoi.
Non, c'est pas possible, j'y crois pas une seconde, Il est pas comme ça. On ne peut pas imaginer qu'Il laisse faire.
Tu me diras, en bas, Il laisse faire alors pourquoi pas dans son jardin ?
Enfin, moi, je m'en contrebranle. Si j'y vais, c'est en clandestin, caché dans la semi-remorque de beuh hebdomadaire pour Marley ou celle pleine de pastaga pour Gainsbourg.
Je me demande si on fait caca au paradis.
Si oui, comment ça se passe ?
Ça tombe où ?
Sur ceux d'en bas... non ?
Donc tout s'explique.