Akagi, le mahjong du cœur
*maçon du cœur (hahahaha... même pas drôle)
Cette critique je dois l’admettre peut être considérée comme triviale. Non pas qu’elle soit foncièrement inutile, ni qu’elle soit inintéressante, mais compte tenu de ma démarche initiale sur SensCritique elle fera davantage office de distraction intellectuelle et réflexive quant à notre nature profonde et notre propension à évoluer spirituellement.
Si vous regardez les critiques que j’ai déjà rédigées, vous pourrez trouver celle de Death Note ainsi que celle de Kaiji du même mangaka. J’avais déjà fait le rapprochement entre ces deux œuvres, eh ben sachez qu’il n’en manquait plus qu’une pour que la boucle soit bouclée. Et comme vous l’avez deviné (ce n’était pas bien difficile), c’est en effet à Akagi que revient cet honneur.
Afin de résumer succinctement le propos des deux mangas précédents, je pourrais gauchement avancer que dans Death Note nous suivions avec suspense le destin mouvementé d’un jeune homme qui s’était substitué à Dieu, imposant unilatéralement sa vision personnelle de la justice. Itou Kaiji quant à lui, ce bon gros loser attachant, peut accomplir, contre toute attente et en l’espace d’un instant, des miracles salvateurs et porteurs d'un espoir partagé. Death Note use d’une narration plus pragmatique et démonstrative, où le fond est en concordance avec la forme, à contrario des deux autres pour lesquelles la pleine abstraction de leurs richesses respectives présuppose un regard affuté à l’attention du moindre détail. Dans Kaiji, la part belle est aux jeux de d’argent, tandis du côté de chez Akagi, léger changement de direction, on leurs a préféré le Mah Jong, jeu de réflexion se jouant à plusieurs et/ou en équipes. D’ailleurs, au même titre qu’une partie de shifumi, or cette fois-ci sans contestation possible, on se rend rapidement compte qu’il n’y a aucune place au « hasard ».
Après avoir vu ma note, au même titre de la quasi certaine admiration que je porte à cet anime, vous devez penser que j’ai pu en tirer une grand satisfaction à la seule condition que les règles de ce jeu bicentenaires n’aient plus aucun secret pour moi. Bah en fait, non même pas. Pour tout dire je serais incapable de jouer une partie, même avec des débutants. Au premier abord, cela peut sembler surprenant. Comment apprécier à ce point une œuvre dont plus de 90% de ses scènes relatent les parties légendaires qu’Akagi a livrées. Des épisodes entiers où le narrateur analyse le jeu de chaque participant, les différentes combinaisons possibles, tout en nous abreuvant de termes techniques imbitables. Toute personne un tant soit peu raisonnable aurait déjà jeté l’éponge, accablé sous le poids de l’ennui et de l’incompréhension.
Dans Kaiji, où les règles de chaque jeu ne dépassent pas les 3 lignes, il est autrement plus aisé d’en avoir une vision globale et ainsi d’éviter certaines zones d’ombre. Le Mah Jong est d’une difficulté démente, avec plusieurs règles différentes et des dizaines de combinaisons de valeurs distinctes dont on doit connaître la liste par cœur. Au cours des premiers épisodes, j’étais perdu, désorienté devant tout ce « charabia », c’est alors que m’est venu à l’idée de changer diamétralement ma manière d’aborder cet anime. Autrement dit, au lieu de me concentrer sur mon ignorance, j’ai décidé de commencer par ce que je savais déjà. A partir de là, j’étais en mesure de déterminer ce que n’était pas le Mah Jong. Puis au fil des épisodes, nombre de paramètres m’ont permis de cloisonner ce jeu dans l’univers qui est le sien, d’en saisir si ce n’est les règles précises, l’esprit et la finalité. Aujourd’hui, certes, je ne sais toujours pas jouer au Mah Jong, mais j’ai pris conscience de sa nature profonde et je sais pourquoi il sied si bien au personnage principal, Akagi.
Akagi est personnage énigmatique et plein de mystères (aux premiers abords). La plupart d’entre nous avons la nécessité, et à juste titre, de s’identifier ou de comprendre les motivations du héros que nous allons accompagner dans un film ou une série télévisée. A défaut d’être en connaissance de certaines notions spirituelles assez poussées et d’avoir un sacré travail derrière soit (ce qui n’est pas mon cas), il est inconcevable de s’identifier au jeune homme, et pour cause... C’est pourquoi j’étais dans l’obligation d’utiliser le même procédé éliminatoire qu’avec le Mah Jong, même si cela ne m’évitait pas des culs de sac dont je ne pouvais me dépêtrer. Cependant, petit à petit, bien aidé il est vrai par les observations verbales et les métaphores picturales, j’ai fini par concevoir le type d’homme qu’il incarnait.
On m’a souvent reproché d’user de certains termes grandiloquents, et ceux-ci à tout bout de champs. Je pourrais prendre en exemple le mot « christique » et même y ajouter toutes les références à l’art sacré et à la transcendance. A ma décharge, mon but n’est pas d’agrémenter mes critiques d’opinions personnelles qui n’ont rien à faire avec l’œuvre en question, mais bien de trouver, avec le maximum d’objectivité qu’il m’est possible, l’étincelle de vérité qui définira l’essence de la création finale. Ce qui est top avec Akagi, c’est que mon analyse est déjà prémâchée, à tel point que les autres, par analogie, gagnent en légitimité. En effet, ces références au « Christ » ou à tout être « éveillé » ne sont pas de mon fait, mais ceux du narrateur, des propos des personnages secondaires et même des images plus qu’évocatrices. Un petit exemple :
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Quel homme, Akagi, peut-il bien être ?
Dans mon paragraphe d’introduction et dans d’autres critiques, j’ai dissocié avec approximation plusieurs passages par lesquels chacun d’entre nous devons évoluer :
1) Un être égaré mais qui ignore de l’être
2) Un être égaré qui n’ignore pas de l’être et qui se cherche
2B) Un être égaré qui n’ignore pas de l’être et qui en joue (un enculé pour simplifier)
3) Un être qui a trouvé son identité propre
4) Un être qui a dépassé sa condition humaine
Vous m’excuserez pour le manque d’explications et de clarté quant à ces différents points, mais je préfère me concentrer sur ce qui nous intéresse. Si vous voulez en savoir davantage, il y a d’excellents livres sur la spiritualité qui sauront combler vos attentes. Akagi est pour ainsi dire au-delà de toutes nos suppositions, cela venant du fait qu’il est sûrement venu au monde avec un statut quasi-divin. Pour faire plus simple, il était déjà à la 4ème étape dès sa naissance. Je sais, on entre dans des considérations hautement abstraites et impénétrables, mais c’est ainsi que l’auteur a créé son personnage.
Des êtres tels que lui, si on se réfère à notre monde réel et à l’histoire, sont vraiment, mais vraiment rares. Il y en a peut-être un par génération, si ce n’est par siècle. Les premiers qui nous viennent à l’esprit sont : Jésus Christ, Bouddha, Gandhi et mère Teresa plus récemment pour ne citer qu’eux, bien que d’autres aient certainement vécus dans l’anonymat. Petite précision, j’ai sciemment écarté Martin Luther King car il s’est davantage consacré au peuple noir qu’à l’humanité toute entière. Ces êtres, machines (selon la définition de Descartes) à amour et à miracles, ont quelque chose d’intemporel. Celle-ci qui accorde à leurs combats une immuabilité qui fait de leurs luttes les nôtres également mais à une échelle moindre. Parallèlement, ils sont au-delà de l’idée qu’on peut se faire du bien et du mal, c’est ainsi que nous verrons Akagi tricher à plusieurs reprises sans aucun scrupule. Pourquoi ?
Parce qu’il voit des choses qu’aucun d’entre nous ne pourrait prétendre discerner, un génie absolu devant lequel on est obligé de s’incliner. Il est réellement difficile d'entrevoir ce qu’il est vraiment sans avoir abstrait et décortiquer cette composante. Au premier regard, il ne serait qu’un fou inconséquent, un homme dangereux qui serait à même d’entrainer les autres dans sa propre destruction, le même auquel certains lui prêtent des pulsions suicidaires. Cette vision est bien entendue erronée, déterminée par nos préjugés et nos conditionnements, pourtant, le mangaka Fukumoto Nobuyuki le fait toujours jouer contre des adversaires qui symbolisent les pires penchants de l’humanité. Ce n’est pas un moyen de se justifier de l’inconstance apparente d’Akagi, ni un procédé augmentant délibérément le degré d’accessibilité aux spectateurs, non c’est pour nous montrer, si on daigne faire de l’effort de voir plus loin, que ce qui peut s’apparenter au mal n’est pas forcément le mal et inversement. Ainsi, lorsqu’Akagi triche pendant les parties de Mah Jong, c’est pour le salut des âmes des personnes qui l’entourent, aussi bien de ses partenaires que de ses adversaires. Si, avec recul, on observe le résultat de chacune de ses actions, on en vient toujours à reconnaître une profonde bienveillance. Il est donc vain de vouloir lire dans le jeu d’un tel homme autant qu’il est impossible de le vaincre. Une fois que j’avais compris de quoi il retournait, il n’y avait plus aucun suspense au cours de mon visionnage, ce n’est pas pour autant que l’anime en devint moins haletant et passionnant, bien au contraire. De plus, même après l'épisode final qui s’arrête brusquement en plein climax d’un duel au sommet, je n'ai ressenti aucune frustration. Je savais que je pouvais lui faire confiance quant l'accomplissement certain de sa mission Rédemptrice…
De voir le jeune Akagi donner des leçons d’humilité aux ordures auxquelles il se confrontait m'a bizarrement rassuré. Si j’ai ressenti cette sensation, c’est certainement qu’au fond je sais qu’aujourd’hui je serai sans défense face à ces hommes qui ont façonnés le système vicié auquel on appartient, sauf si un miracle se produit (Kaiji m’entend-tu). Et de savoir qu’il peut y avoir un être comme Akagi, ça redonne de l’espoir, même si je suis conscient que jamais je ne pourrai m’élever à son niveau. Rien néanmoins de quoi me soustraire à mes obligations d’être humain. So be it…
Mise à jour du 20/01/2013 : Précisions afin d'éviter bêtement les préjugés qui le rangerait du côté obscur de la Force....