Récemment mise en ligne sur Netflix, j’ai profité de l’occasion pour jeter un œil à la série Au service de la France dont j’avais déjà entendu parler au moment de sa sortie en 2015, puisqu'elle profitait de la vague d'intérêt suscitée par les films OSS 117 réalisés par Hazanavicius, les deux œuvres partageant le scénariste et dialoguiste Jean-François Halin. Les deux films comptant parmi mes comédies préférées, une série plongeant dans le cadre de l'espionnage français sous l'ère Gaullienne et se présentant comme leur successeur spirituel ne pouvait manquer de piquer mon intérêt. Après le visionnage de cette série, il est intéressant de pouvoir comparer ces deux œuvres à la fois proches et différentes.
Pour commencer, il me semble essentiel de rappeler d'où les 2 films peuvent tirer leur force et leur efficacité sur le spectateur pour pouvoir mesurer l’écart avec la série. En effet, le génie comique d’ OSS 117 repose sur des dialogues certes drôles mais sublimées par le jeu de ses acteurs (Jean Dujardin, Pierre Bellemar, Bérénice Béjo, etc.), nous offrant une galerie de personnages tout à la fois ridicules et attachants. Il faut également souligner une identité visuelle forte et la mise en scène au cordeau qui participent au gag des films. Enfin, on ne manquera pas de souligner le fait que les sujets d'humour abordés au cours des 2 long-métrages font preuve d'audace : on aborde le colonialisme, le racisme, le sexisme, en invitant le spectateur à faire sa propre réflexion.
Revenons à présent au concept de la série qui se base à peu près sur le même argument que je viens d'évoquer plus haut : il s'agit de tourner en dérision les travers d’une France conservatrice et hermétique aux changements qui s’opèrent dans la société. Je constate que je n'ai pas été séduit dès le départ par cette série, comme si l’écriture était moins efficace. En fait, la série brasse énormément de thèmes sur le plan narratif, cependant ils sont traités avec une superficialité déconcertante. Le scénario n'ose plus mettre les pieds dans le plat si bien qu'on n'est plus en mesure de s'en moquer. La misogynie de cette période relatée au premier degré suffirait à faire rire mais dans les faits on n'en découvre rien. L'URSS post-Staline est vaguement évoquée à travers des gags éculés mais ne permet pas de se rendre compte de la réalité et de créer un décalage comique. D'autre part, le scénario fait usage de beaucoup de facilités et de coups de théâtre et autres deus ex machina.
Le défaut d’immersion n’est pas aidé par le jeu mi-figue, mi-raisin de la plupart des acteurs, qui tentent de donner vie à des personnages unidimensionnels et sans la moindre subtilité. On soulignera particulièrement le manque de crédibilité d’Hugo Becker dans le rôle du personnage principal qui nous sert du sous-Jean Dujardin. Il ne tient pas la comparaison avec ce dernier qui arrive à faire passer le personnage d’Hubert Bonnisseur de la Batte comme un connard sympathique qu'il jouait avec un naturel déconcertant.
Enfin, je voudrais revenir sur la question de la mise en scène. En effet, on a souvent expliqué le succès de certains films par leur scénario brillant, comme The Social Network. En disant cela on occulte forcément l'apport qu'un réalisateur comme David Fincher peut avoir dans la transcription du scénario en un film. Dans OSS 117, on retrouve Hazanavicius à la réalisation. On sent que ce dernier aime les films qu'il parodie, qu'il maîtrise ce langage et qu'il parvient à le pasticher avec admiration et suffisamment bien pour que la parodie puisse fonctionner. Tout ce langage visuel semble absent de la série réalisée par Arte.
Finalement, hormis les éléments scénaristiques (intrigues, personnes, dialogues) qui constituent la base de la comédie, Au service de la France nous rappelle l’importance de la mise en scène dans la traduction du texte à un medium principalement visuel comme le cinéma ou le format série, et que bien maîtrisée elle peut constituer une source de rire.