Saison 1
Black Sails c'est la nouvelle série historique signée Starz. Si la chaîne a su en quelques années se former une réputation houleuse auprès des historiens les plus avertis (en transformant De Vinci en mannequin supersoldat dans Da Vinci's Demons, en faisant un peu n'importe quoi avec l'histoire romaine dans Spartacus, ou encore en gardant surtout le rose de la Guerre des Deux-Roses dans The White Queen) mais en conservant à chaque fois une ambition louable de divertir. La plupart des productions Starz sont donc à l'image de ces films hollywoodiens qui prétendent faire de l'histoire mais qui au final font surtout du fric. C'est pour cela que ça semblait presque une évidence que Starz collabore un jour avec Michael Bay (le bien nommé quand il s'agit d'une série de pirates), qui agit ici en tant que producteur de ce qui sera une préquelle au roman L'Île au trésor de Stevenson.
Je pense que Black Sails c'est la représentation parfaite de ce qu'est un pilote réussi : en une heure, tous les enjeux sont déjà proposés, les personnages sont déjà définis même si ils gardent tous une part de mystère, les rebondissements arrivent déjà en masse et le rythme est clairement dynamique sans être hystérique. Et même si certains épisodes de cette courte première saison sont plus faibles (de mémoire, les épisodes 3, 4 et 5 étaient moins réussis, sans pour autant être mauvais), c'est à peu près la même chose tout le long : une écriture énergique qui évite le plus souvent les scènes inutiles, proposant des dialogues bien souvent passionnants et une intrigue forte. Si on pourra reprocher à quelques arcs narratifs secondaires d'être répétitifs, ou à certains choix de casting d'être vraiment ratés (Jessica Parker Kennedy est aussi expressive qu'une coque de bateau), le reste est hors de toute critique : les autres membres du cast sont excellents (Toby Stephens est une véritable révélation), l'écriture n'est pas en reste et la mise en scène exemplaire.
Car on aurait pu craindre que les CGI soient dépassés par les scènes en mer... Loin de là. Si on remarque assez souvent les effets numériques, ils restent de bonne facture et agréables à l’œil. L'ambiance paradisiaque du show est elle aussi très réussie.
Au final il n'y a pas grand chose à dire d'autre sur cette saison 1 - il ne faut pas en attendre trop, mais la surprise est de taille quand on se retrouve face à l'une des meilleures séries étiquetée Starz de ces dernières années. Huit épisodes seulement, mais huit épisodes réussis, pour une série qui fait avant tout office de divertissement haut de gamme avec un minimum de profondeur et de magouilles à Tortuga. Les fans de pirates prendront leur pied, et ceci en attendant le pirate-show de NBC, Crossbones avec John Malkovich, sans cesse repoussé mais devrait voir le jour cet été, ainsi que la saison 2 de Black Sails, annoncée bien avant la sortie du pilote.
★★★★★★☆☆☆☆
Saison 2
Si la première saison de Black Sails offrait de beaux moments de télévision, elle demeurait jonchée de défauts assez grossiers : un ventre mou assez ennuyant, des personnages secondaires agaçants, des dialogues qui ne menaient nulle part. On attendait donc ce second acte avec une certaine inquiétude – la série allait-elle réussir à franchir le pas ?
Agréable surprise donc que cette nouvelle saison : plus dense, plus construite, mieux écrite et surtout possédant un budget gonflé pour l’occasion, elle est supérieure en tous points aux épisodes de l’an dernier. Non content de proposer un final épique et passionnant qui accompli définitivement cette évolution qualitative, la série pousse ses personnages plus loin, arrivant à donner une épaisseur bienvenue à beaucoup d’entre eux. A tel point que Long John Silver devient même le meilleur élément du show, jouissif en parvenu manipulateur dont l’ascension promet déjà beaucoup à l’avenir.
Alors certes, Black Sails possède toujours un rythme un peu trop lent, mais elle parvient à complexifier ses storylines et écrire au fur et à mesure un background très intéressant pour ses têtes d’affiches. Violente, sans pitié, elle prend même parfois des airs de Game of Thrones détendu, les effets chocs en moins.
Starz et Michael Bay, dans leur démarche de proposer des séries historico-badass à la frontière constante du guilty pleasure, frappent un grand coup en proposant non seulement ce qui est sans doute la série la plus grisante de la chaîne, mais aussi l’un des feuilletons grands spectacles les plus divertissants du moment. Les attentes se sont en tout cas multipliées.
★★★★★★★☆☆☆
Saison 3
Difficile de ne pas aimer les belles histoires, et Black Sails en est une. Il y a deux ans on découvrait une première saison inégale, bavarde même si visuellement réussie, et globalement peu passionnante à cause de sa rythmique mal agencée. Déjà l’an dernier, la série de pirates de Starz montrait de nouvelles couleurs pour se clôturer lors d’un final en apothéose. Mais en 2016, une nouvelle étape est franchie : pour notre plus grand plaisir, la saison 3 de Black Sails s’est révélée comme l’un des plus grands moments de cette saison télé.
Construisant lentement mais sûrement une mythologie enivrante et complexe, Black Sails a surtout réussi à se créer des personnages malléables, qui se sont métamorphosés au fil des intrigues et des cadres, brisant les clichés et l’étiquette très premier degré qu’ils se traînaient jusque-là. Pour faire court, Black Sails est une série qui a su se transcender, prendre son temps pour mieux se révolutionner et proposer une expérience sans cesse enrichie de figures plus profondes, d’intrigues plus palpitantes, de scènes plus impressionnantes – à l’image de cette course-poursuite en diligence filmée en un incroyable plan-séquence.
Ce troisième acte fut un quasi-sans-faute, aucune véritable faiblesse de fond comme de forme, tandis que le roman de Stevenson prenait peu à peu forme sous nos yeux. Mais au-delà de son écriture très solide, c’est la direction visuelle de Black Sails qui force l’admiration – effets spéciaux d’un niveau cinématographique, accompagnés d’un travail exemplaire sur la bande sonore et de décors majestueux. Si ce n’était pas pour Game of Thrones, Black Sails serait le plus beau blockbuster télévisuel – élégant et époustouflant, à tel point qu’on pourrait lui espérer une diffusion estivale, adaptée à son soleil omniprésent.
Passer, en seulement deux ans, d’un period drama un peu fade au divertissement le plus stimulant du petit écran, c’était difficile mais Black Sails s’en tire avec les honneurs. A recommander, encore et toujours, car alors que ces autres Vikings s’attirent toute la gloire, la plus grande attraction du petit écran, elle est sur Starz et elle met en scène des pirates. De ce cadre de fantasmes, les auteurs ont su en tirer de véritables moments de bravoure et des personnages tout simplement brillants. A déguster sans modération.
★★★★★★★★☆☆