Regarder Chainsaw man c'est visionner un paradoxe.
C'est à la fois regarder un shonen nekketsu dans tous ses fondamentaux :
un jeune adolescent qui va développer des pouvoirs surnaturels pour livrer des affrontements épiques, accompagné de plusieurs acolytes.
Mais c'est aussi découvrir une déconstruction des dits codes du dit genre.
Au final on se retrouve avec le même lieu d'arrivé, mais le chemin parcouru est lui, totalement différent de ce dont on est habitué.
Ce qui fait que découvrir Chainsaw man c'est purement jouissif.
Je pense d'ailleurs que c'est une des raisons de son succès auprès du grand public :
arriver à jouer se rôle d'équilibriste entre anticonformisme et pure respect de la doxa.
Bon sûrement que les scène d'actions à gros budget y sont aussi pour grand chose.
(le budget de cet animé est indécent d'ailleurs)
Mais voilà quoi, Chainsaw man c'est le petit air frais sur le shonen traditionnel !
Si vous voulez comprendre qu'est-ce qui rend ce titre si atypique par rapport à ses concurrents, je pense que la réponse se tient en quelques lettres :
DENJI.
Véritable anti-héros. Véritable déconstruction du personnage de shonen classique.
Et véritable incarnation de ce paradoxe qu'est Chainsaw man.
Oui Denji c'est bien l'adolescent à super pouvoir à moitié débile qui ne pense qu'à bouffer et dormir. Comme dans, bah tous les shonen (vous l'avez compris on va pas mal se répéter ici).
Mais Denji c'est aussi deux différences majeures :
Tout d'abord Denji n'a pas de grand rêve. Il n'a pas de but.
Il ne veut pas devenir le roi des pirates, le meilleur hokage, accomplir une quelconque vengeance, retrouver quelqu'un ou protéger quelqu'un d'autre.
Non Denji c'est avant tout un jeune SDF. Donc quand il fini par trouver un toit et des repas réguliers (ce qui arrive assez rapidement), eh bien le jeune garçon n'a plus de but.
Il fini par avoir des objectifs puériles à court termes tel que palper la poitrine de ses congénères. Mais rien de bien transcendant. De bien glorieux. De bien inspirant.
Lui même s'en rend compte et fini par se poser des questions à ce sujet.
La situation atteint le summum du ridicule quand vient la fameuse "confrontation des idéaux" lors des duels face aux divers antagoniste.
Vous savez le fameux combat où le méchant pavane ses idéaux, et où le héro fini par le vaincre car le siens sont "bien plus nobles".
Ca devient direct plus compliqué quand le dit héros n'a pas de but, du moins plus "noble" !
Le second point majeur c'est que Denji n'a pas de morale.
Tout héro de nekketsu peut être bête, grivois ou violent. Mais il l'est toujours "pour la bonne cause".
Le protagoniste est toujours défenseur d'une morale, d'une vertu, d'un code d'honneur.
Denji n'a rien de tout cela. Il n'a pas de pitié. Pas d'empathie. Pas de morale.
Alors bien sûre loin de moi d'affirmer que ce jeune homme est un pamphlet de thèse philosophique.
En revanche ces points clefs font que Denji n'est pas un héro au sens noble du terme.
Le lecteur ne le verra jamais comme un idéal à atteindre.
En revanche, cela en fait un personnage bien plus humain.
De part ses côtés sombres et ses imperfections, l'on se sent finalement plus représenté ici.
Pour terminer mon éloge déplacée de cet animé purement japonais, je dirai que j'ai adoré les variations de tons de l'auteur.
Là où chez la concurrence, les arcs narratifs et schémas scénaristiques s'enfilent comme des boucles sur une chaîne, ici, l'auteur varie les registres.
Et les réalisateurs l'ont d'ailleurs bien compris.
C'est pourquoi le récit épique du guerrier à pointes motorisées peut, le temps de cinq petites minutes, devenir une tranche de vie contemplative sur un jeune adulte qui fume sa cigarette en silence pendant de longs plans fixes.
Alors,
oui,
je dois tristement me l'avouer. Me faire à cette cruelle évidence :
je ne serai jamais un homme tronçonneuse.
Ni un homme élastique d'ailleurs.
Mais je le confesse : l'homme tronçonneuse qui s'arrête deux secondes pour se demander quel est le but de son existence,
oui,
cela me parle beaucoup plus.