En voyant Dix pour cent, il est difficile de ne pas faire le rapprochement avec Entourage, surtout dans le côté name dropping et la présence d'acteurs jouant leurs propres rôles. En dehors de ça, les deux séries sont au fond assez différentes, car il s'agit ici de vivre à l'intérieur d'une agence qui s'occupe des acteurs et réalisateurs, afin de récupérer les fameux dix pour cent de leurs cachets.
Inspiré des souvenirs de Dominique Besnehard, qui fut pendant plus de vingt ans l'agent le plus reconnu métier, ça donne impression que l'agence est une immense auberge espagnole, sans arrêt en mouvement : les agents qui courent les rôles pour leurs comédiens, les comédiens qui doivent faire face aux aléas du métier, pour se rendre compte finalement que le cinéma est un milieu vraiment particulier, limite égocentrique.
Cela dit, la série ne démystifie pas tellement le cinéma, car on voit assez peu les tournages (sauf le cinquième, où sont présents Julie Gayet et JoeyStarr), mais c'est plus sur la préparation, sur la manière de décrocher des rôles, jusqu'où on peut aller.
C'est également l'occasion de voir des acteurs jouer leur propre rôle égratigner gentiment leur image ; entre Cécile De France qui se voit refuser un rôle chez Tarantino parce que trop vieille (!), Françoise Fabian et Line Renaud qui ne peuvent se supporter, Laura Smet et Nathalie Baye qui ont peur de jouer ensemble et François Berland qui ne veut pas jouer Dom Juan dans une piscine (!!), on est plutôt servis. Même si on se doute que ça pourrait être bien plus cruel.
Comme en témoigne l'épisode 4, avec Audrey Fleurot, qui, pour revenir dans le milieu à la suite d'une longue absence due à sa maternité, accepte tout et n'importe quoi du moment que l'argent arrive. Jusqu'à une soirée d'ambassadrice où elle escorte pour une grosse somme un dignitaire, ce qui va provoquer le scandale. Je trouve que cette actrice, que je ne connaissais que dans Intouchables, a un regard très dur sur elle-même, c'est limite si on sent qu'elle doit se prostituer pour gagner de l'argent.
Dans le registre de l'autodérision, on est très proche de Extras, série créée par Ricky Gervais et Stephen Merchant, mais là, en la matière, les Anglo-Saxons sont 10000 degrés au-dessus.
Mais la série est surtout construite sur la fameuse agence ASK (qui ressemble à Artmedia), et ceux qui sont aux services des acteurs. Je citerais Thibault de Montalembert, Camille Cottin, Liliane Rovère, et tant d'autres, des personnes que je ne connaissais quasiment pas, mais qui sont très justes.
J'ai également apprécié de voir enfin dans une série française que l'homosexualité de deux personnes, un homme et une femme, soit enfin traitée normalement. Je veux dire par là que ce n'est pas appuyé, on n'en parle pas, ils ne se font pas insulter pour ce qu'ils sont. A mes yeux, ça contribue à l'ouverture d'esprit proposée par cette série, dont l'ambition scénaristique ET technique sont là, à juger les deux épisodes réalisés par Cédric Klapisch.
Après, je pourrais reprocher d'une part que la série soit vraiment courte (6 épisodes), et que cette densité pour tenir sur la durée accouche de plusieurs histoires annexes qui ne concernent pas vraiment le cinéma, mais plus la vie privée des agents. Il y a juste un running gag marrant avec Zinedine Soualem sur plusieurs épisodes car il cherche des rôles où il pourrait avoir un accent, à la limite de harceler ses agents.
Mais il faut rendre à César ce qui est à Dominique Besnehard, à l'origine du projet, Dix pour cent est une série ambitieuse sur le papier ET réussie, ce qui plaisir à voir. Bien sûr on se régale de ces anecdotes en tant que cinéphile (dont celle d'un agent qui pour assurer deux rendez-vous à l'heure du repas, ira manger deux fois !), mais la série reste accessible aux néophytes.