Esterno notte (« Extérieur nuit ») relate l'enlèvement puis l'assassinat d’Aldo Moro par un commando des Brigades rouges en 1978.
Il s'agit d'une mini-série italienne de Marco Bellochio réalisée en 2022. La série est actuellement disponible sur arte replay.https://www.arte.tv/fr/videos/RC-023478/esterno-notte/
Esterno notte raconte l'un des pics des années de plomb qui ont ébranlé différents pays européens durant la décennie 1970-1980. Faisant le constat d'une société figée sous l'emprise de la sociale démocratie, des mouvements révolutionnaires s'en prennent aux représentants de l'Etat et aux capitaines d'industrie, multipliant les attentats essentiellement en Italie (Brigades rouges), en Allemagne (Bande à Baader) et en France (Action directe).
En Italie, le point culminant des années de plomb a été atteint avec l'enlèvement spectaculaire puis l'exécution d'Aldo Moro, ex président du conseil, professeur de droit pénal, Président de la Démocratie Chrétienne, parti à la tête de la coalition gouvernementale. Souhaitant rassembler un pays en crise en ouvrant la coalition gouvernementale aux communistes, l'influent député Moro va subir les foudres des ministres et secrétaires d'Etat, mais aussi du gouvernement américain, qui souhaite ardemment la disparition du PC dans les gouvernements européens au pouvoir.
L'enlèvement et la séquestration
Aldo Moro voyage sous escorte lorsque son véhicule est attaqué par des terroristes déguisés en policiers qui éliminent ses 5 gardes du corps. Il est retenu prisonnier et les brigades rouges souhaitent engager des négociations avec le gouvernement et la démocratie chrétienne.
Enlevé en Mars 1978, la situation est vite dans l'impasse. Cyniquement, la démocratie chrétienne et son président du conseil, Giullio Andreotti (Surnommé Le Divin) jouent le "pourrissement" espèrant secrètement que Moro l'homme de l'ouverture, qui a parfaitement compris durant sa détention l'inertie organisée des institutions, soit éliminé par ses ravisseurs. Moro avoue à son confesseur qui lui rend visite à la fin de sa détention que, bien que catholique pratiquant, il a appris la haine ayant compris que ses alliés politiques souhaitent sa mort...
C'est ce qui finira par se produire. Devenu encombrant, l'homme politique tué par balles est retrouvé dans le coffre d'une voiture au petit matin du 9 mai 1978.
Moro devient un martyr pour nombre d'italiens, conscients du "lachâge" dont il fut victime par ses propres alliés.
Alors jeune adolescent, je me souviens trés bien de cet évènement dramatique feuilletonisé durant 7 semaines lors du journal télévisé.
Cet assassinat portera un coup fatal au terrorisme en Italie, les membres du commando seront arrêtés quelques semaines après la mort de Moro. Pour autant, la loge maçonnique d'extrême droite P2 fit de nouveau trembler l'Italie lors de l'attentat sanglant de la gare de Bologne en 1980.
Diversité des angles d'analyse
La particularité d'Esterno notte est de raconter, de l'intérieur, cet épisode sombre et bref de l'histoire italienne, revisité à travers le point de vue des différents protagonistes, il lève clairement le voile sur ce que tout le monde savait. C'est ainsi qu'après une description objective de l'enlèvement, Bellochio raconte les conditions dans lesquelles la famille Moro vit le drame et comprend douloureusement le caractère inexorable de la situation. De même, le réalisateur décrit des terroristes qui hésitent entre l'assassinat et la remise en liberté de leur prisonnier, comprenant petit à petit a vanité de leur combat. Les brigades rouges avaient pour icône le Che. Le Che voulait faire la révolution, partout et tout le temps. Les américains chassés de Cuba, l'exercice du pouvoir ne l'intéressait pas, il part former des appprentis révolutionnaires au Congo où il perdra vite patience....
Durant l'enlèvement, les membres des brigades rouges réalisent qu'ils ont été instrumentalisé par le pouvoir. Leur objectif n'est pas la révolution. "Révolutionnaires en peaux de lapins", ils ne sont pas non plus les héritiers des nihilistes russes de la fin du XIXème siécle dont le point d'orgue sera l'assassinat de l'empereur dans un attentat à la bombe organisé le 1er mars 1881 par le groupe terroriste Narodnaïa Volia. Composé de membres moitié voyous liés au grand banditisme/moitié terroristes, les brigades rouges ne parviendront pas à renverser les institutions, leur lutte armée se soldera par un échec.
Adoptant un point de vue hyper réaliste, le récit est presque un documentaire. Pour autant, le tout est filmé avec beaucoup de justesse, certaines images d'archives sont diffusées lors du dernier épisode. Esterno Notte est servi par une réalisation sobre et un bon casting: Toni Servillo dans le rôle du pape et particulièrement Fabrizio Gifuni , d'un mimétisme troublant , dans le rôle d'Aldo Moro.
Ma note: 8/10