Il n'est sans doute pas évident de faire un chef d'oeuvre dans le genre de la série comique, peut-être encore moins lorsque l'une d'entre elles affiche, au démarrage, de bien banals attributs. Un personnage féminin traumatisé, perdu, cadette d'une famille dysfonctionnelle, compensant sa détresse psychologique et affective par une vie sexuelle aussi débridée qu'insatisfaisante. Un humour so british, à la fois chic et choc, coincé et vulgaire comme le montre la bande son, toujours en décalage. Des épisodes courts dans des saisons courtes. Des types sociaux caricaturaux, une satire de la société moderne et de ses dérives, un décor de banlieue londonienne typique. Encore une fois, il n'est pas évident, avec ces ingrédients, de trouver la recette du génie. Fleabag nous donne en ce sens une immense leçon. Un "truc" technique absolument original, une actrice qui l'incarne à la perfection, des dialogues éclatants, un rythme toujours juste... Cela suffit-il ? Non, il faut, pardon pour cette métaphore prosaïque, que la mayonnaise prenne : les ingrédients seuls ne sont rien. Mais lorsque l'alchimie est atteinte, la magie se produit, et l'on avance dans Fleabag comme dans un réveil éveillé. Aucune fausse note ne vient nous sortir de la transe, tous les personnages, les décors, les paroles entrent dans la danse pour nous surprendre et nous enchanter. Que faire alors quand on découvre une deuxième saison encore meilleure que la première ? Quand on se rend compte que celle qui nous a fait tant rire, on a fini par l'aimer ? Quand on est ému aux larmes par un simple coup d'oeil en coin ? Se faire larguer sous un abribus, et sourire.
Il est très difficile de faire un petit chef-d'œuvre avec une série comique. Fleabag l'a fait !