Beaucoup de gens décrivent Fringe comme le X-Files des années 2000/2010, et il est vrai que dans sa première saison, la série de Science-Fiction d'Abrams peut évoquer les enquêtes de Mulder et Scully dans les années 90. Mais ce n'est pas rendre entièrement justice aux scénaristes de Fringe. Les X-Files avaient une excellente capacité à produire de super mystères à chaque épisode, mais les fils conducteurs étaient très faibles, sinon inexistants.
Fringe, au cours de sa saison 2, déploie un arc narratif vaste et compliqué. Ç'aurait pu être à ses dépends ; je me rappelle encore mon scepticisme en milieu de saison face aux événements. Et pourtant, en rétrospective, c'est exactement à ce moment que la série est passée de bonne à géniale.
Depuis sa saison 3, Fringe est un équilibre parfait entre mythologie, personnages et "Monstre de la semaine". Tous les personnages sont joliment nuancés, et beaucoup sont particulièrement savoureux, à commencer par le scientifique fou Walter Bishop, interprété par le fabuleux John Noble, qui intègre dès les premiers épisodes de la saison 1 une division spéciale du FBI (plus tard nommée Division Fringe) chargée d'enquêter sur des phénomènes scientifiques plus ou moins incompréhensibles (recourant à la "fringe science" - pseudo-science -, d'où le titre). Plus encore, les personnages, une fois réunis, ont une dynamique infiniment supérieure à leur charisme individuel.
La mythologie, quant à elle, est maîtrisée de façon exemplaire. Je pense qu'Abrams a vu ce qui avait été fait de sa série précédente, Lost, passée du statut d'immense à la déchéance pour cause de scénaristes s'enfermant bêtement dans une spirale sans fin de twists dénués de sens. Aussi, Fringe a parfaitement su apprendre des erreurs de sa grande sœur, pour trouver un excellent équilibre entre montée en puissance du suspense et distillation d'éléments de réponse. La plupart des arcs narratifs sont proprement traités en une saison, quelques questions subsistent plus longtemps, et on obtient régulièrement des réponses. On a droit aux frissons de Lost sans la frustration de les voir laissés sans réponse indéfiniment.
Enfin, semaine après semaine, la série fait impeccablement son travail de divertissement, en proposant des enquêtes fun (et régulièrement, dégoûtantes - rien n'est insoutenable, mais il faut un minimum de tolérance aux limaces, cervelles, et autres) et même intéressantes scientifiquement, même si bien sûr complètement invraisemblables. Évidemment, les sujets sont très variés, allant du voyage dans le temps à la parapsychologie, en passant par des gens qui se transforment en hérissons géants tout moches, ou encore des infractions aux lois de la physique. Mais, plus important encore, les scénaristes ont énormément de talent lorsqu'il s'agit d'insuffler une âme à ces mystères hebdomadaires - et l'esthétique de la série joue particulièrement bien ce rôle également. Régulièrement, le thème, même glauque, est traité avec beaucoup de poésie, et très souvent, il est en rapport avec quelque émotion ou épreuve que traversent les personnages principaux lors de l'épisode.
Fringe, en seulement quatre ans, a su se faire une place de choix dans le monde de la Science-Fiction. La série elle-même baigne dans cet univers artistique, à travers quelques références superbes : Leonard Nimoy lui-même (Spock !) a un rôle capital récurrent, et l'on aura vu, par exemple, Christopher Lloyd (le Doc. Brown de Retour vers le Futur), le temps d'un épisode. Fringe est incontournable pour les fans de Science-Fiction, et plus qu'appréciable pour les autres.