Et si le film de l'année était une série ? (Jurisprudence Kevin Spacey)
Pendant longtemps le cinéma et les séries ne faisaient pas (à raison) forcement bon ménage. Mais avec l’explosion d’Internet et le succès planétaire des séries US, les cadors du septième art s’intéressent de plus au plus à ce format dont raffolent les studios. Vive les économies d’échelles !
Frank Underwood est le chef de la majorité au Congrès américain. Il est prêt à tout pour mener à bien ses ambitions.
Il y a des images qui marquent l’esprit, dont on sais qu’elles resteront longtemps ancrées dans nos méninges. Voilà pourquoi House Of Cards ne vous laissera pas indemne.
Très vite, on sent toute la puissance et le potentiel d’une série au sujet pourtant relativement banal au premier abord. Ce miracle est l’accomplissement de David Fincher qui pose les bases de la saison 1 avec une justesse inouïe. Dès les premières images, le grand cinéma se transporte dans votre télé, de là à dire chef d’œuvre, on n’est pas loin ! Ce décollage sous forme de succès total se calme légèrement par la suite mais n’enlève en rien l’impatience naissante à la fin de chaque épisode paraissant toujours trop court. A noter que Joel Schumacher est également passé derrière la caméra par deux fois.
Pour House Of Cards, le scenario est clair et précis. L’intrigue politique n’a rien d’incompréhensible et est constamment renouvelée. Beau Wilimon, qui s’occupe de la série, n’est pas un novice en la matière car il avait déjà signé le très bon scenario des Marches du Pouvoir qui lui avait valu trois nominations de prestige aux Oscars, aux Golden Globes et aux BAFTA. Divers sujets sont traités comme les reformes, les luttes internes, les élections, les syndicats et bien évidemment l’omniprésence des journalistes à l’heure de l’information immédiate via Internet et la télévision. Le premier grand rôle de Kate Mara commence dans les arcanes de la presse écrite.
Cette pluralité des moyens utilisés pour faire avancer l’histoire lui instaure un rythme soutenu et riche en surprises. L’antagonisme entre les off et la communication politique donne une constante impression que chaque situation se joue sur une corde raide.
Au cœur des magouilles et de la recherche de consensus, les hommes du Capitole se font balader tels des pions par Frank Underwood. Cet homme puissant écrase tout le monde et n’a peur de rien. Les symboles le caractérisant sont forts et nombreux (il joue seul aux échecs, se détend devant un jeu vidéo de guerre,…). Un sentiment d’empathie se crée malgré tout devant cette fascinante personnalité: tout le monde rêverait d’avoir une rhétorique si parfaite, des convictions si fortes et un pouvoir de persuasion si développé. Sous la carapace inflexible se cache pourtant quelqu’un qui doute parfois et crains plus que tout la défaite. Kevin Spacey joue donc un rôle taillé sur mesure, tout comme ses costumes qui semblent être sa deuxième peau. L’acteur excelle de mille feux et rappelle à tous l’immensité de son talent. Les dialogues sont bien écrits et détonnent lorsque Spacey se tourne face caméra pour expliquer pensées et réflexions.
Derrière tout grand homme il y a une femme, le couple Underwood est la clé du film. Madame Sean Penn (dans la vraie vie) dirige une importante association humanitaire qui est un nouvel atout dans la manche politique de son mari. Le relation entre eux est très forte et solennel: ils se disent tout, s’aident mutuellement et inspirent un amour profond malgré les dissonances que l’ambition peut créer.
Si chaque épisode accroche autant c’est aussi grâce à une mise en scène au poil. Le nombre important de décors intérieurs a forcé un gros travail à ce niveau. Tout est très épuré, généralement moderne, les couleurs tendent vers le terne mais chaque endroit à son propre cachet. « Dis moi où tu vis, je te dirai qui tu es » pourrais dire la célèbre maxime ! Les plans sont quant à eux très propres, les travellings aussi et tout bonnement parfaits dans le dernier épisode. Celui-ci clos d’ailleurs une saison très forte en émotions sans nous bombarder de teasing pour la suite.
Plus que jamais le mot cinéma rime avec série TV. Dans ce thriller politique, l’intrigue parfaitement rythmée s’accorde avec une mise en scène géniale et un premier rôle parfait. Tout est si réussi que je me demande si le meilleur film de l’année ne sera pas une série ! Jodie Foster sera de la partie pour réaliser un épisode de la saison 2, ce qui prouve une fois encore qu’on touche peut être de l’or. People have (not really) the power.